Quand la table aspire au voyage imaginaire, le magnum délivre la suprême conjonction d´un ciel et d’un terroir. Et si sa magie n’est pas toujours la certitude d’un réconfort, elle peut être néanmoins la promesse d´un monde des lumières.

Le magnum est le coup double le plus réussi du moment et quand deux bouteilles ne font plus qu´une, l´irrésistible gaîté éparpille nos sens vers une opérette de Johann Strauss où certains personnages apparaissent dès le début du spectacle en état d´ébriété! Nonobstant, tenir la rampe avec les codes de bonnes conduites demeure une étape obligée d´autant que le magnum impose le respect pour tous les maîtres d´un art spectaculaire. Ne pas en proposer en prélude á un repas festif serait, de la part d´un amphitryon distingué, l´acte suspect d´une générosité oubliée. Le banc des vendanges ouvert, la petite histoire initie des moments uniques et des noms prestigieux. Le millésime 1975 en fait partie grâce á Sir Winston Churchill à qui fut dédié une cuvée du Champagne Pol Roger dont l´excellence méritait un magnum. Avis aux collectionneurs!

Au passage, les profanes n´oublieront pas que mettre en carafe le champagne n’est point une litote surtout lorsque le vin a du caractère, que l’on souhaite rendre sa robe plus veloutée et accroître son intensité aromatique et gustative. L´acte de bravoure des amateurs de vins rouges de garde consistant à décanter avec précaution leur nectar sans provoquer de bouillonnement dans la carafe. Mais avant de succomber aux mirages du Graal, l’opportunisme qui lui sied ne saurait contrevenir de rappeler que le vin le plus cher du monde est à ce jour un magnum du Château Mouton Rothschild 1945 dont le lot de six nectars fut vendu 272 000 € chez Christie´s. Il fut un temps où l´on aurait pu continuer à s´abreuver des informations aléatoires qui courtisent à l´envi les internautes et de braquer leurs lumières sur une kyrielle d´homonymes vengeresses. Le risque ? Le goût de bouchon, anomalie détectable dès l´ouverture qui appelle de facto un changement immédiat de vin, d´un autre verre aussi : en bref, un retour á la case départ. Contenant idéal pour contenu sanctifié, le magnum inspire des états d´inconscience illimitée qui s´accompagnent du syndrome stendhalien de la promesse au bonheur. Une allure superbe qui qualifie sans obstacle de bon format pour un tête-à-tête surtout quand la règle du jeu se résume en peu de mots. Et puisqu’il s´agit de trouver le bon partenaire, l´attente devient une angoisse si grisante que pour une fois la cuisine passera facilement au second plan. « Pas de prise de tête » entend-t-on á l´unisson quand on abandonne la bouteille au centre €¦. « Heureux celui qui oublie ce que l´on ne peut changer » rappelait le livret de notre opérette. La possibilité devient enfin une perspective horatienne et rayonnante d´une humanité éprise de tous les plaisirs.

Une soif de vivre, d´explorer toutes les possibilités, de se sentir homme de génie, quitte à perdre provisoirement ses facultés le temps d’une idylle pour s’approcher au plus près des précipices transgressifs de la fascination et de la vénération. Que de secrets révélés ! L´ivresse délie dangereusement les langues et prédispose les âmes à la luxure. Mais que peut-on offrir á un amateur de magnum autre que la gourmandise en révolte absolue ?
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