Dans un contexte politique totalement inédit, certaines pousses issues des partis traditionnels réfléchissent à des voies innovantes, afin de proposer de nouveaux projets. Dernier en date “Le mouvement”, une initiative marseillaise que nous souhaitions interroger. Entretien exclusif avec Laurent Lhardit, son porte-parole.
LCV : Nous avons appris récemment le lancement à Marseille d’un « laboratoire d’élaboration de solutions politiques » : que reste-t-il aujourd’hui des ressources idéologiques dites de gauche et que comptez-vous apporter de nouveau ?
LL : Les idéologies fondent des principes et des valeurs, mais la politique a aujourd’hui surtout besoin de démocratie et de méthode. A gauche, nous nous sentons à l’aise dans le champ de la social-démocratie qu’on peut résumer par la formule « le marché autant que possible, l’Etat autant que nécessaire ». Il permet aussi de dialoguer et d’élaborer avec des personnes qui viennent d’horizons politiques divers.
LCV : Reste-t-il encore des territoires vierges, des opportunités d’innovation en politique depuis que les cartes ont totalement été rebattues ?
LL : Le séisme politique de 2017 ouvre un champ à l’innovation politique car il a mis une grande claque au dogme d’un clivage indépassable entre gauche et droite et qu’il facilite la possibilité d’un dialogue partout où ce clivage n’a pas de sens. L’autre grand défi de l’innovation politique, c’est que la démocratie va droit dans le mur de ses propres fondations avec la désaffection des citoyens pour le politique. Il est donc impératif d’inventer les nouvelles formes participatives qui redonneront aux citoyens le goût du politique.
LCV : Le parti du Pdt de la République semble imposer à ses équipes une méthodologie de traitement des sujets, de maîtrise des dossiers : qu’en pensez-vous ?
LL : La méthode Macron c’est une sorte de Blitzpolitik où la vitesse d’exécution permet de réformer vite mais son grand défaut c’est qu’elle ne fonctionne qu’au prix du sacrifice du débat public et des corps intermédiaires.
LCV : Dans ce contexte, quel sera le biais de différenciation de votre ThinkTank (ou DoTank), qui évoque “les valeurs et les principes de la République, de la laïcité, de l’écologie et de la social-démocratie” ? Je dirais même : déjà vu, déjà entendu, non ?
LL : Nous ne sommes pas un parti politique mais une fabrique d’idées opérationnelles. Notre Constitution n’attribue aux partis que le rôle de « concourir » à la vie démocratique, pas d’en être les opérateurs exclusifs. Un lieu comme Le Mouvement permet d’élaborer et de porter des solutions politiques dans un cadre dépassionné et distant des seules questions de pouvoir.
LCV : Ce mouvement semble proposer des solutions dans le cadre de la Métropole, de la Région, mais quelle sera son influence au niveau de l’Etat, de l’Europe et de l’aire méditerranéenne ? Pouvez-vous nous en dire plus ?
LL : Auriez-vous posé cette question si nous étions basés à Paris ? Nous menons nos réflexions à partir de la métropole marseillaise, qui accumule les retards sur des questions essentielles, qui vit sur des schémas politiques archaïques, qui n’aime pas l’Europe et qui se pose depuis des décennies la question de son rapport à l’aire méditerranéenne sans y apporter de réponse satisfaisante. Les solution politiques que nous inventerons ici auront donc forcément une valeur ailleurs.
LCV : Peut-on en savoir plus au sujet des premiers travaux, dont la livraison est prévue pour le printemps 2018 ?
LL : Nous commençons par une urgence, le sujet des mobilités sur un territoire où nous cumulons insuffisance et thrombose des moyens de communication et records de pollution atmosphérique. Tout a été déjà dit sur ce qu’il faudrait faire et notre travail sur ce sujet consiste plutôt à déterminer comment il faudrait le faire pour ne pas encore attendre une décennie avant de régler cette question.
LCV : Vous semblez dénoncer la léthargie de certains acteurs publics face aux enjeux de la métropole Aix Marseille Provence : qu’en est-il ? Que pensez-vous provoquer avec la création de cette association ?
LL : Nous voulons contribuer à faire émerger ici une conscience métropolitaine parce que beaucoup des préoccupations des gens qui y vivent ne pourront être réglées en considérant que la somme des intérêts communaux correspond à l’intérêt général des habitants de la métropole. D’où par exemple notre proposition de développer la démocratie métropolitaine avec une élection directe et spécifique de ses élus.
Fondatrice de LCV Magazine en 2009, la journaliste Karine Dessale a toujours souhaité qu’il soit un “média papier en ligne”, et la nuance veut tout dire. A savoir, un concept revendiqué de pages à manipuler comme nous le ferions avec un journal traditionnel, puis que nous laisserions traîner sur la table du salon, avant de nous y replonger un peu plus tard… Le meilleur compliment s’agissant de LCV ? Le laisser ouvert sur le bureau de son Mac ou de son PC, avec la B-O en fond sonore, qui s’écoule tranquillement…
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