by @karine_dessale
Louis Schweitzer, ancien haut-fonctionnaire, nous a fait l’honneur de répondre à quelques interrogations dans le cadre d’un entretien dédié à la cause animale, appréhendée sur une dimension éthique et profonde. Est-il en effet nécessaire de souligner que ce sujet est primordial et si révélateur de notre relation à l’autre (humain ou pas), en ces temps incertains ? L’avons-nous oublié ? En effet et ce n’est pas anodin, rappelons que Louis Schweitzer, intellectuel distingué, s’est engagé en faveur du bien-être animal. Il est président du Conseil d’Administration de la LFDA (La Fondation droit animal, éthique et sciences) depuis 2012. Fondation qui poursuit l’objectif d’améliorer la condition animale par une transposition juridique des nouveaux acquis scientifiques et des évolutions éthiques, liés à la vie des animaux et à leurs relations avec l’homme. Un combat si précieux, pour la défense d’un territoire tellement fondamental, trop peu évoqués sur les pages des médias traditionnels, selon nous.
LCV Magazine : Cher Monsieur Schweitzer, avec l’évocation récente de la LFDA, organisation que vous présidez, dans un sujet de Baccalauréat, pensez-vous comme le suggère Sénèque (ci-dessous) un brin cynique, qu’il s’agisse malgré tout d’un aboutissement dans votre quête de bienveillance pour l’espèce animale ? (Cf. : “La prospérité est comme une mère tendre, mais aveugle, qui gâte ses enfants.”)
Louis Schweitzer : Comme le souligne Marguerite Yourcenar, une déclaration des droits n’est pas un aboutissement, c’est un commencement : l’affirmation et la reconnaissance de certains principes, qui progressivement se traduiront dans le droit et les comportements. La LFDA est à l’origine de la première déclaration universelle des droits de l’animal promulguée en 1978. Nous agissons maintenant pour faire adopter et diffuser une version mise à jour de cette déclaration.
LCV : Pensez-vous que le travail minutieusement informatif et rigoureusement scientifique que vous menez, puisse avoir à terme un impact sur l’inconscient collectif et la perception des enjeux liés au monde animal ?
LS : Je suis convaincu que tous les progrès de la conscience humaine sont fondés sur trois éléments : le progrès de la science et de la connaissance, le progrès du droit et de la loi, la prise de conscience éthique, qu’elle soit fondée sur la sensibilité ou la réflexion. Ces trois éléments – la science, le droit, l’éthique – sont au cœur du métier de la LFDA (La Fondation Droit Animal Ethique et Sciences).
LCV : En ce sens, pourriez-vous nous expliquer, très simplement, pourquoi il est tellement primordial à l’heure actuelle de “soigner” au sens littéral du terme, le territoire animal que nous côtoyons lors de nos existences terrestres, et cela de manière quotidienne (alimentation, accompagnement, pratiques…) ?
LS : Le respect de la vie et le respect des autres, qu’il s’agisse du respect des autres humains ou du respect des animaux sensibles, comme le soulignent d’ailleurs dans les textes de l’épreuve du baccalauréat Voltaire et Rousseau, sont inséparables. A terme, de même que l’homme au début a ignoré la sensibilité des étrangers, des hommes venus d’autres continents, et aujourd’hui les respecte, de même, l’homme, je ne sais quand, étendra son respect à tous les êtres vivants.
LCV : Après différents succès dans vos combats multiples, comme récemment le sujet des delphinariums, la reconnaissance en 2015 de la notion d'”animal sensible”, et de nombreux procès menés (corrida, cirques, etc…) : quelles sont les actions actuellement prioritaires au sein de votre fondation ?
LS : Notre fondation mène une double action. La première est de faire progresser les connaissances et le droit : c’est dans ce cadre que nous agissons, par exemple pour modifier le code civil ou en organisant des colloques scientifiques. Le second domaine est l’action plus concrète pour faire progresser la protection des animaux : c’est le sens de l’initiative que nous avons prise avec Casino pour mettre en place un étiquetage qui informe les consommateurs sur le niveau de bien-être de la naissance à la mort des animaux dont ils consomment la chair.
LCV : Se préoccuper du soin apporté à l’appréhension de l’espèce animale, pendant de longues années, ne mène-t-il pas inexorablement à un certain fatalisme et à une perception dépréciée de la réalité des valeurs portées par l’humanité ? Comment trouver les ressources à l’intérieur de soi, pour poursuivre le combat ?
LS : La conviction qu’un combat est juste, pour moi, entraine la conviction que ce combat un jour sera victorieux. Ce que l’on ignore c’est le temps que prendra cette victoire. Ce thème de la durée du combat et de l’incertitude sur le temps qu’il prendra est lui aussi au cœur du texte de Marguerite Yourcenar, dont il faut rappeler qu’elle était membre de la LFDA puis de son comité d’honneur.
Site de la Fondation droit animal, éthique et sciences :
www.fondation-droit-animal.org
Entretien dirigé par Karine Dessale, Propos recueillis par Nikita Bachelard.
Crédits Photos :
N°1 : Louis Schweitzer.jpg © Jean-Pierre Michae
N°2 : 2015 12 11 POURNY Michel Colloque Unesco (565).JPG © Michel Pourny / LFDA
Fondatrice de LCV Magazine en 2009, la journaliste Karine Dessale a toujours souhaité qu’il soit un “média papier en ligne”, et la nuance veut tout dire. A savoir, un concept revendiqué de pages à manipuler comme nous le ferions avec un journal traditionnel, puis que nous laisserions traîner sur la table du salon, avant de nous y replonger un peu plus tard… Le meilleur compliment s’agissant de LCV ? Le laisser ouvert sur le bureau de son Mac ou de son PC, avec la B-O en fond sonore, qui s’écoule tranquillement…
Discussion about this post