Vous connaissez très certainement les enjeux actuels concernant le réchauffement climatique. Mais connaissez-vous ce que l’on nomme aujourd’hui, les “migrations climatiques” ? Et bien, Ressources Humaines Sans Frontières (RHSF) nous en apprend davantage sur ce phénomène, en expansion permanente.
LCV Magazine : Qui est Ressources Humaines Sans Frontières (RHSF*) ?
RHSF : Dans un souci d’efficacité, nous privilégions une démarche pragmatique, globale et progressive qui associe, dans le respect des cultures locales, les salariés, les entreprises donneuses d’ordre et leurs fournisseurs, et jusqu’aux consommateurs. Son mode d’action repose sur trois étapes clés : comprendre, refuser, agir. Sans remettre en cause le principe de la sous-traitance et dans la compréhension des intérêts légitimes de chacun, l’objectif est que tous ces acteurs se posent les bonnes questions, prennent conscience des enjeux des droits de l’homme au travail et s’engagent concrètement pour améliorer les conditions de travail. »
LCV Magazine : C’est vrai que nous entendons à la télé et la radio parler essentiellement de réchauffement climatique lié à l’environnement. Pourquoi si peu d’informations sur les migrations climatiques ?
RHSF : Il y a des informations sur les migrations climatiques et les conséquences sur les hommes mais on ne voit pas toujours les conséquences sur les conditions abusives de travail. Le travail forcé, conséquence de la vulnérabilité des migrants qui ne parlent pas la langue du pays, qui sont isolés et soumis à des intermédiaires, est ignoré. Il n’y a toujours pas de reconnaissance légale officielle, permettant une protection spécifique, une meilleure sécurité et protection contre ceux qui profitent de cette situation de vulnérabilité.
LCV Magazine : Vous nous parlez de quelques 200 millions de personnes en 2050 qui migreront à cause des changements climatiques, c’est énorme! Cela voudrait t’il dire que le monde de demain ne ressemblera plus du tout au monde dans lequel nous vivons aujourd’hui ?
RHSF : Le changement climatique est désormais la première cause de migration forcée. Ces changements continus auront des conséquences sérieuses pour différentes régions du globe. En Asie du Sud, l’augmentation de la fréquence des catastrophes naturelles contribuerait à réduire les rendements agricoles de plus de 30M , sans compter la sécheresse en Afrique Sub-saharienne due à la baisse de de 10% des précipitations. Selon les experts, une personne sur quarante cinq serait concernée par des phénomènes écologiques. Une étude de la Banque mondiale estime qu’en raison du changement climatique, plus de 100 millions de personnes supplémentaires se retrouveront à l’horizon 2030 sous le seuil de pauvreté. D’autres experts prédisent qu’une personne sur sept – soit un milliards d’individus – pourrait être amenée à migrer en raison du changement climatique d’ici à 2050. Aucun pays, ne peut prétendre échapper aux conséquences du changement climatique. Chaque Etat sera amené à y apporter des réponses.
LCV Magazine : Expliquez-nous le lien entre changement climatique et travail forcé notamment des enfants?
RHSF : Là où des familles forcées à quitter leurs maisons à cause de la dégradation des conditions environnementales espèrent reconstruire leur vie, elles peuvent facilement devenir des proies pour les trafiquants ou souffrir de diverses formes d’exploitation au travail. Le lien entre la dégradation environnementale, notamment due au changement climatique, et la migration humaine devrait être mieux connu. A la différence des migrations économiques, ce sont des familles entières qui se déplacent et les enfants privés de scolarité sont les premières victimes. Nous avons pu l’observer encore une fois il y a à peine un mois lors de notre dernière mission en Thaïlande.
LCV Magazine : La sous-traitance dans des pays à bas-coût engendre des situations de violations des droits humains…
RHSF : C’est l’une des conséquences de la mondialisation : sous la pression conjointe et parfois contradictoire de leurs actionnaires, de leurs concurrents, de leurs salariés et des consommateurs finaux, les entreprises délocalisent une partie de leur production dans les pays où le coût de la main-d’œuvre est peu élevé, afin d’augmenter leur rentabilité et de réduire leurs coûts de production. Devenues des donneuses d’ordre, elles font appel à des sous-traitants, qui eux-mêmes font appel à des sous-traitants. Ainsi se constitue une chaîne de sous-traitance, dans laquelle chaque maillon supérieur exerce une pression sur les coûts et chaque maillon inférieur fait en sorte de répondre aux exigences des donneurs d’ordre. Ce système de production crée les conditions du travail indécent et du travail forcé, qui au bout de la chaîne touche en premier lieu les travailleurs migrants et des enfants, plus vulnérables, sans que les donneurs d’ordre et les consommateurs en aient toujours conscience. Plus la chaîne est longue et les intermédiaires nombreux, notamment les agences de recrutement, plus le risque est élevé. A savoir que selon l’OIT, le travail forcé génèrerait ainsi 150 milliards de dollars de profits annuels, incluant des milliards de dollars volés aux travailleurs (salaires non versés ou frais de recrutement illégaux…).
LCV Magazine : Comment peut-on aider au quotidien pour lutter contre ?
RHSF : Contre le travail forcé, une action brutale et ciblée a souvent pour conséquence de déplacer le problème plutôt que de le résoudre si on n’a pas agi en amont sur les mentalités et si on n’a pas pensé le problème dans sa globalité. L’ambition de RHSF est de faire comprendre à chacun des acteurs de la chaîne qu’ils ont un rôle à jouer pour faire évoluer ce système dans l’intérêt de tous. En tant que consommateurs, nous pouvons agir en n’achetant plus de contrefaçons, en nous posant des questions sur la fabrication d’un produit dont le coût est anormalement bas. Mais nous pouvons également agir en ne faisant pas travailler des gens au noir, – nous ne cotisons pas pour leur protection sociale et leur retraite – Nous sommes aussi salariés et nous pouvons pousser nos syndicats et entreprises à agir ne serait-ce que pour la sous-traitance interne de ménage par exemple. Nous sommes citoyens et nous pouvons demander des comptes à nos élus, dans leurs propres achats.Nous pouvons aussi acheter autant que possible dans des circuits courts de l’économie sociale et solidaire. Plus la chaîne est courte, plus on a des chances de limiter les abus des droits de l’Homme. Pour informer les consommateurs et leur permettre d’agir, RHSF a lancé cette année un collectif d’associations de consommateurs et de d’organisation de solidarité internationale et de promotion des droits humains. Car pour que chacun puisse travailler dignement, ici et là-bas, nous avons tous un rôle à jouer, chacun à son niveau. C’est toute l’ambition du Défi 8.7, lancé par RHSF afin de mobiliser chacun autour de l’objectif de développement durable n°8.7 des Nations Unies : l’éradication du travail des enfants d’ici 2025, et du travail forcé d’ici 2030. La mobilisation de tous est essentielle pour répondre à cet enjeu de taille.
Propos recueillis par Jessica Barre
NDLR : RHSF , c’est une organisation non gouvernementale (ONG) internationale créée en 2006 à Toulouse. Ses fondateurs, Martine Combemale et Jacques Igalens, professionnels de la responsabilité sociétale d’entreprise (RSE) et des ressources humaines, se sont donnés pour objectif d’agir au niveau mondial pour faire respecter les droits de l’homme dans l’ensemble de la chaîne de sous-traitance. RHSF s’engage en particulier contre le travail forcé, contre le travail des enfants et contre les conditions de travail indécentes.
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