Céramiste de grand talent, Charlotte Piraudeau a toujours évolué dans un environnement sensible à la matière, l’art et la création, et “la terre que l’on a sous les pieds”. Ce qui justifie certainement que dans une vie précédente, cette artiste s’intéressait à la géologie. Il semblerait que l’on ne devienne pas céramiste par hasard. Charlotte travaille dans son atelier de production, La ManuTerra à Noizay. Installée au pied du coteau nord de la Loire entre Amboise et Tours, elle crée des oeuvres uniques, dont on peine à détacher le regard. Elle nous a accordé un entretien, dont voici le récit.
Parlez-nous un peu de vous ? Comment êtes-vous arrivée ici ?
J’ai toujours baigné dans un milieu artistique, alors je suis tout naturellement préparée à un métier d’art. Après un bac en arts appliqués, et une école supérieure dans la meme specialité j’ai passé un diplôme de métiers d’art en céramique avec une option artisanat, parce que l’idée c’était de monter un petit atelier. Après avoir passé 4 ans à décortiquer des objets, leur fonctions, leur incidence sur vos vies, il me fallait mettre les mains dans la matière !
Pourquoi la céramique en particulier ?
Le métier de céramiste est très pragmatique, j’apprécie de faire naître une forme, de connaître ou de créer son histoire.Déjà, petite, j’aimais aller en vacances chez une cousine décoratrice sur porcelaine. J’y faisais de la céramique, et en grandissant, j’ai gardé ce goût. J’ai toujours été manuelle et bricoleuse. Il s’y rajoutede la chimie… et de la géologie aussi, puisqu’on travaille avec les matières qui sont sous nos pieds. On découvre beaucoup de choses sur la Terre. Et puis il y a quelque chose d’introspectif et en même temps d’universel, qui fait que je me sens bien une fois que je mets mes mains dedans. J’ai su que j’allais pouvoir y passer du temps, d’autant plus que c’est très diversifié comme métier, on rencontre des gens très différents, on peut faire des collaborations, c’est un univers génial.
Comment créez vous ?
Je prends une idée et j’y « colle » des sensations. Ensuite je vais travailler les matières qui vont illustrer ces sensations. Par exemple j’ai travaillé sur un univers un peu lunaire, ce qui m’intéressait c’était chercher des matières douces qui allaient évoquer la lune. Les pièces uniques vont être des ambiances, des sensations. Et j’aime entrer dans la matière même de la céramique, c’est ce qui m’intéresse. Pour ce qui concerne la partie « objets » , c’est a dire hors la creation pure, quand il s’agit de vaisselle, de bijoux, je dois répondre à un cahier des charges. Par exemple, un vase : dit simplement, c’est un cylindre où l’on met des fleurs ! J’ai regardé dans d’autres pays comment ils font, comment ils utilisent les fleurs, comment ils créent, notamment les japonais. Et c’est une source d’inspiration pour un céramiste : les ils formes sont très variées, comme les façons de poser les fleurs, les astuces pour briser les branches, les coincer , compartimenter etc… Il y a des façons de créer des paysages asymétriques, ou d’ installer seulement une ou deux fleurs et c’est magnifique.
Vous vous considérez plus comme une artiste ou artisan ?
Je n’aime pas quand on dit que ce que je fais c’est de l’art, c’est vraiment de l’artisanat. Dans sa façon de travailler et de connaître la matière, l’artisan peut avoir un côté artistique et le mettre en avant. Mais c’est une esthétique qui très particulière, qui est la sienne et qui n’est pas celle qu’on demande à un artiste. Les artistes …. ce sont des artistes ! Ils ne travaillent pas d’abord pour remplir une fonction. Bien sûr, ils peuvent utiliser de la céramique, de la photo, en fonction de ce qu’ils ont à dire, ils vont utiliser cette matière pour mettre en avant leurs propos. Moi je n’ai que la céramique, c’est mon unique point de départ et ce n’est pas du tout la même démarche, la même manière de travailler ni la même esthétique.
Comment la situation actuelle peut-elle impacter votre activité ?
C’est difficile bien sur, meme si nous avons des aides de l’état.. Nous avons un métier de contact, dans notre métier, les gens ne viennent pas vers nous mais l’inverse, donc d’habitude nous nous faisons connaître via des salons ou des marchés, qui ont tous été annulés. Nous sommes obligés de nous mettre sur Skype, d’ouvrir des boutiques en ligne, mais tous les métiers ne peuvent pas se numériser dans les métiers d’art, d’autant que les clients ont envie de voir nos pièces, de les toucher pour les acheter.
Vous pouvez découvrir la sublime collection de Charlotte Piraudeau sur son site : https://www.lamanuterra.com/collection
Propos recueillis par Hermine Duru, Deborah Cormier Jouannet, Bartholomé Hubert, Lise-Anaïs Focone, Agathe Begard
Rewriting @isabellesouquet
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