Pour beaucoup, il est courant d’annoncer avec fierté que l’on vit à 100 à l’heure, que l’on n’a pas une minute à soi. Mais au fond, la vit-on à 100 % cette vie de dingue ? Un café brûlant avalé à la va-vite nous comble-t-il de bonheur ? Où est le petit plaisir de savourer l’arôme torréfié de cette petite graine qui vient des quatre coins de la planète ? Ceux qui ont l’habitude de siffler leur café court fièrement préparé par un barista passionné se reconnaîtront peut-être. Pour beaucoup, c’est une habitude, pour les initiés à la slow life un non-sens. À quoi bon prendre le temps de sélectionner le meilleur café de la ville si c’est pour ne pas en savourer chaque gorgée ? Tout simplement par habitude et parce que, à ce moment-là, la slow life est un concept bien lointain.
Aux origines, le match slow life vs fast life
Créé en 1986, le mouvement slow life vient du journaliste sociologue et critique gastronome Carlo Petrini né en 1949 en Italie. À l’époque, il s’agissait de contrer la fast-food et surtout MacDonald qui avait pour projet d’implanter un restaurant dans un quartier historique de Rome. Ce fier combattant de la malbouffe, associé d’autres passionné du goût, décida de fonder un mouvement international d’ « œno-gastronomes ». Le terme « slow food » était né.
Un autre journaliste, canadien cette fois, plaide également en faveur du mouvement doux. Il s’agit de Carl Honoré, qui écrivit en 2004 « L’éloge de la lenteur » (une référence dans les bibliothèques de livres slow life) où il propose de rééquilibrer rapidité et lenteur dans notre vie, de revenir à ce que les musiciens italiens appellent « il tempo giusto », le temps juste.
L’esprit slow life, c’est quoi au juste ?
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne s’agit pas de faire l’apologie de la flemmardise mais, au contraire, comme le dit Carl Honoré dans son œuvre citée précédemment, de « retrouver sa tortue intérieure ».
Cet animal marin aurait-il tout compris ?
Si lent sur terre et si rapide dans l’eau, notre mammifère marin représenterait-il la notion d’équilibre par excellence ? Les Allemands ont un mot pour cela : « die Eigenzeit », le « temps propre » à chacun, celui où ce qui importe n’est pas d’enchaîner les tâches, les réunions, les activités telle une course effrénée, mais d’aller à la bonne vitesse, la sienne, dans n’importe quelle situation.
Les déclinaisons du mouvement doux
Depuis les années 86, le mouvement lent s’est décliné dans plusieurs domaines de la vie. On parle aujourd’hui de slow travel avec le retour des voyages en train, la slow fashion avec les collections intemporelles ou les pré-commandes, le slow business avec moins de réunions stériles, et même de slow sexe où l’on prend le temps de se découvrir. Bref, dans notre ère anthropocentrée, tout est sujet au mouvement slow life.
Trop poussé ? Peut-être pas. Il ne s’agit pas là de culpabiliser les uns et les autres sur leurs modes de vie, passions et fantaisies. On parle plutôt d’ouvrir la voie et de guider les individus vers un chemin plus ancrée, une vie plus minimaliste et surtout plus apaisée.
Comment adopter le slow lifestyle ?
Alors que faire pour atteindre cet état de nirvana ? Se mettre assidument au yoga dans un parc au vert, #yogaroutine ? Lire un livre par semaine et bonne chance s’il s’agit de notre chère « Madame Bovary » ? Faire une randonnée par semaine en pleine montagne sous le regard hagard des vaches en transhumance vers leur pâturage estival ?
Oui et non. On peut faire tout cela, mais à son rythme et selon son envie et sa santé.
L’essentiel du mouvement lent est d’éliminer toute source de stress non nécessaire et d’effectuer un travail sur soi. De s’écouter sans s’imposer ni devenir nombriliste et de savoir s’affirmer en disant « non » à Bonnie & Clyde pour un énième afterwork alors que vous êtes épuisé(e) de votre semaine de 45h.
Plus facile à dire qu’à faire ? Absolument ! Mais n’est-ce pas là le cœur du sujet ? Celui de se retrouver, de ne plus se créer de frustrations futiles et de vivre en pleine conscience ? Si votre fantaisie, c’est de boire un bon café ultra-chaud, soit ! Mais, savourez-le jusqu’à la dernière goutte et exit les pensées et distractions intempestives. Vos actions sont les vôtres et votre temps aussi.
Le mouvement slow life, n’est donc pas un mouvement éphémère, vide de sens et passager. Pour celles et ceux qui mettent le pied à l’étrier, c’est au contraire retrouver un rythme de vie sain et sans lutte contre soi-même et ses limites. Le chemin est long et parfois caillouteux, certes. On se trompe parfois de sentier et on peste contre soi-même, mais in fine, quel bonheur d’apprécier un pique-nique au sommet d’une crête. Terminons ici par une expression italienne qui s’applique parfaitement avec notre propos : « chi va piano, va sano et va lontano », qui va lentement, va sûrement et longtemps.
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