En 2018, le nombre d’utilisateurs de l’application Tinder dans le monde, était estimé à cinquante-sept millions. Et pour cause, sa promesse marketing, était de vous permettre de trouver l’âme sœur. Mais quelques années plus tard, l’amour virtuel semble avoir du plomb dans l’aile
L’étude européenne Once, menée par YouGov en 2020, montre que 83% des utilisateurs européens d’applications de rencontre, se disent insatisfaits. Ces applis ne seraient peut-être pas le moyen idéal pour trouver l’amour ? Menée par un groupe de chercheurs, l’enquête de YouGov a consisté à poser différentes questions à 1.387 utilisateurs de Tinder, âgés de dix-huit à soixante-quatorze ans. La moitié des utilisateurs (50,3%) est d’accord pour accepter des rendez-vous réels avec des personnes rencontrées sur l’application. 63,5% ont déjà un.e partenaire.
Les applis de rencontre virtuelles à l’épreuve du réel
“Certaines personnes se sentent trompées par l’utilisation des applications de rencontres. Car à chaque fois qu’une nouvelle plateforme est créée, les gens pensent qu’ils pourraient vraiment trouver quelqu’un”, souligne l’auteur de l’étude, Germano Vera Cruz, professeur de philosophie, auprès de NBCNews. Et si l’amour n’est pas forcément l’argument visé en priorité par la plupart des adeptes de ces applis ? On estime qu’en 2037, la moitié des naissances seront le fruit d’une rencontre sur un site ou une appli (Etude EHarmony Novembre 2019). Lorsque l’on considère que le mariage d’amour ne date que du 18ème siècle, inventé par le milieu ouvrier, on a l’impression de revenir en arrière.
Avec l’IA et autres datas, c’est comme si les applis identifiaient les bons associés de nos vies. Le pragmatisme d’une génération qui souhaite se reproduire, plutôt que le romantisme ? Comme au temps de la bourgeoisie impressionniste, lorsque les rentes se disputaient à coup d’épée. De battre nos cœurs se seraient-ils arrêtés ? Sacrés écrans…
Sans appli, la fête est plus folle ?
Certes, utiliser des app de rencontre semble être une évidence, mais ces dernières ont banalisé les comportements agressifs ou dérangeants. Notamment chez les 18-35 ans. “Avec une application, tu trouves en trois minutes quelqu’un de disponible pour une relation sexuelle“, évoque Catherine Lejealle, sociologue et chercheuse à l’ISC Paris. Elle associe cette frénésie de consommation aux codes nés avec les réseaux sociaux.
67% des célibataires passent jusqu’à 4h par semaine à swiper et chatter sur leur application préférée (étude YouGov). Une durée qui reste stable depuis 5 ans. Deux tiers des utilisateurs prennent moins de 30 secondes pour décider si un profil leur plaît ou pas. Et l’émergence d’un nouveau levier de volatilité, le “FOBO”, qui font la fortune des marqueteurs. La Fear Of a Better Option nous pousse à toujours plus swiper, autant dire c’est le dernier qui a parlé qui a raison”.
Swipons cachés, swipons hargneux
Sans parler de la radicalisation des échanges. L’être humain étant très courageux, une fois dissimulé par un écran, sans identité apparente, il se déchaîne. Ainsi, 50% des femmes confient avoir déjà reçu un contenu explicite non sollicité (dickpics, contenu à caractère sexuel, etc.) via leur application de rencontre. Contre 22% des hommes. Dans la même veine, 34% des utilisateurs en France estiment avoir déjà reçu des messages jugés agressifs.
“Ce n’est pas un effet nouveau, derrière un écran, les comportements sont désinhibés, on éprouve moins d’empathie, on peut être anonyme. Et l’effet ‘hypermarché’ de la plupart des applis de rencontre renforce encore ce sentiment d’impunité. La conséquence assez naturelle, c’est que les échanges sont souvent très bruts sur les applis, voire violents“, souligne Clémentine Lalande, CEO de l’application Once (Dating group).
Les jeunes sauvent l’Amour !
Selon une enquête publiée fin 2023 par le média américain Axios, partagée par Libération en novembre dernier, la solution à long terme va peut-être surgir de notre jeunesse prometteuse. 79 % des étudiants américains auraient abandonné les applications de rencontre depuis septembre 2023. La moitié d’entre eux, affirment avoir flirté depuis l’été, grâce à une “vraie” rencontre. Ils enclencheraient donc, une sorte de désintoxication globale, las de ces pratiques. Comme si la mode s’en était allée.
Selon la même étude YouGov, la cible étudiante file désormais sur Instagram pour draguer. Ce serait le groupe démographique à reconquérir en priorité car le mouvement semble bien enclenché. La jeune génération change aujourd’hui la donne. On pourrait même imaginer le “pire”, soyons fous, que ces jeunes irradient toutes les tranches d’âge qui souffrent de “dating fatigue”. Les applis disparaitraient et l’on recommencerait à se regarder dans la rue, dans le métro, dans les cafés, voire que l’on se rencontre. Allez ! On y croit !
Fondatrice de LCV Magazine en 2009, la journaliste Karine Dessale a toujours souhaité qu’il soit un “média papier en ligne”, et la nuance veut tout dire. A savoir, un concept revendiqué de pages à manipuler comme nous le ferions avec un journal traditionnel, puis que nous laisserions traîner sur la table du salon, avant de nous y replonger un peu plus tard… Le meilleur compliment s’agissant de LCV ? Le laisser ouvert sur le bureau de son Mac ou de son PC, avec la B-O en fond sonore, qui s’écoule tranquillement…
Discussion about this post