L’artiste Faith Ringgold, 93 ans, est décédée le samedi 13 avril à son domicile du New Jersey. Emblème de combats historiques, la peintre a marqué le XXe siècle aux États-Unis avec ses peintures engagées, affirmant ses positions féministes et politiques.
Le regard penché vers l’horizon, un sourire malicieux en coin, son attitude est modeste et paisible. Les teintes des palettes fusionnent harmonieusement avec sa peau sombre, mettant en lumière sa splendeur et son attachement pour la diversité. Fière, sereine et engagée. Voici l’image qu’on retiendra de cette égérie des droits civiques.
Faith Ringgold est une pionnière de la peinture, la sculpture, des courtepointes et de l’écriture. Ses œuvres puissantes abordent des problématiques comme le genre, la justice sociale mais surtout raciale. L’artiste représente une figure majeure d’un art engagé et féministe américain, depuis les luttes pour les droits civiques jusqu’à celle de Black Lives Matter. Au-delà d’exprimer sa créativité, elle s’affirme en tant qu’activiste militante.
Faith Ringgold, une enfance baignée dans l’art
Née à New York en 1930, elle a grandi dans la renaissance d‘Harlem (1920-1935), entourée d’une communauté florissante d’artistes : musiciens, écrivains ou encore penseurs. Pendant son enfance, à cause de son asthme chronique, sa mère lui donne des cours à la maison. Cela lui a permis d’avoir un premier contact avec l’art – qui deviendra rapidement plus qu’un simple passe-temps. En 1955, l’artiste obtient sa licence d’art au City College et devient professeure de beaux-arts pour les écoles publiques à New York.
Une passion picturale engagée
Issue d’un milieu modeste, elle a subi des discriminations sexistes, mais avant tout raciales, en conséquence des lois ségrégatives aux États-Unis. Dans la deuxième partie du XXe siècle, le mouvement “Harlem Renaissance” émerge et affirme la volonté de valoriser l’identité noire américaine.
Dès 1968, l’activiste participe à des mouvements féministes et anti-racistes. Sa force de caractère et son besoin farouche d’agir la conduisent à agir pour l’émancipation de la femme afro-américaine.
En 1970, elle participe à la création du groupe “Women Students and Artists for Black Art Liberation” avec ses filles Michele et Barbara Wallace ainsi que le collectif “Where We At”. Son organisation a pour but de souligner le manque de représentation des artistes noirs et féminins dans les musées américains. Ainsi, en portant un regard critique sur la vision ethnocentrée de l’art moderne en Europe, elle affirme sa soif d’égalité raciale et son besoin urgent de faire changer les choses.
Un art marqué par la diversité
La technique de l’artiste s’est également développée et diversifiée avec le temps. Lors d’un voyage en Europe en 1959 à Paris, son inspiration pour les courtepointes, succession de trois couches de tissus distinctes, a émergé. Quelques années plus tard, en 1980, en collaboration avec sa mère, éminente créatrice de mode de Harlem, elle réalise son premier quilt. Au-delà d’être bordées de tissus, ses peintures étaient aussi matelassées. Elle s’est démarquée en créant un style qui lui ait propre, en ajoutant par exemple du texte à ses quilts.
En tant qu’artiste, elle a aussi manifesté un amour particulier pour les mots. En 1991, elle a sorti son premier livre pour enfant Tar Beach. Ce dernier a remporté plus de 20 prix, avec comme reconnaissance “Le livre pour enfants le mieux illustré de l’année”.
Ses œuvres majeures
Ringgold a laissé un héritage artistique marqué par trois œuvres emblématiques. La première “Who’s Afraid of Aunt Jemima ?” est une peinture qui met en lumière les stéréotypes raciaux et les luttes pour les droits civiques aux États-Unis.
La seconde “The Flag is Bleeding” représente une toile audacieuse abordant les questions de race, de pouvoir et de patriotisme, exposant les tensions sociales de l’Amérique. Sa dernière œuvre majeure s’intitule “Tar Beach”. Cette œuvre combine peinture et narration pour explorer l’identité noire et les aspirations de liberté dans un contexte d’injustice sociale.
“Si une personne peut, tout le monde peut, il suffit d’essayer”
L’artiste a influencé la société à travers son art engagé. Ses œuvres ont servi de témoignage puissant des luttes pour l’égalité raciale et des injustices sociales aux États-Unis. En mettant en lumière les questions de race, d’identité et de pouvoir à travers ses peintures, ses quilts et ses écrits; elle a encouragé le développement de ces sujets cruciaux.
Son utilisation de l’art comme moyen d’expression politique a inspiré de nombreux artistes et militants à travers le monde, sensibilisant ainsi le public aux injustices persistantes. En tant que figure influente de la scène artistique et militante, Faith Ringgold a laissé un héritage durable qui continue à inspirer et provoquer la réflexion sur les questions de justice et d’équité.
Étudiante en communication à l’EFAP, Sophia Mzoughi a toujours eu comme domaine de prédilection la culture, l’art et la littérature. De nature curieuse, Sophia adore vivre et partager les nouvelles expériences culturelles de la Ville Lumière.