Créée par Thomas Bidegain (Soudain seuls) et Fred Grivois (La résistance de l’air, L’intervention), le pitch de la série Machine, disponible sur Arte, est redoutable. Une ambiance d’usine qui noircit les traits. Un ex toxicomane marxiste, incarné par JoeyStarr, et une jeune femme maître du kung-fu, sombre et forte, interprétée par Margot Bancilhon, qui surgit de nulle part.
Sur fond de colère sociale, la série Machine apparaît comme un ovni. Une photographie sans compromis, un peu grise, industrielle, qui accentue les contrastes et les sentiments. Un décor traité à l’os, authentique et très bien pensé, avec des tâches de couleurs plus vives que jamais. Des paillettes qui mettent à l’image un peu de vie, dans un quotidien qui semble raconter l’ennui et la rudesse inexorable.
Un territoire de “marche ou crève”, où les amitiés comme les haines, surgissent dans l’immédiateté de l’instant. En un regard, une impression à fleur de peau. Les rencontres se tissent sans concession dans le milieu ouvrier où toute erreur et toute distraction peuvent être fatales. Alors on s’entraide, on assure les arrières de ses compagnons de galère, ou pas.
Machine-outil, silence on survit
C’est sur ce territoire familier puisqu’elle y a grandi, que “Machine” surnommée ainsi par “JP”, incarné par JoeyStarr, revient reprendre ses marques, visiblement en quête de discrétion. Après un parcours dans une unité de services spéciaux, avec des compétences physiques impressionnantes, elle démontre rapidement, au sein de ce milieu masculin, qu’il faut éviter de la provoquer. Une autre femme parmi les hommes, dont certains se réjouissent de la moindre fragilité.
Alors, force est de constater dans la réalité genrée, que rien ne semble mieux en effet, que de pouvoir compter sur soi-même et de savoir se défendre. En tout cas, c’est déjà ça. En apparence seulement, car la réalité est souvent toute autre dans la majorité des cas. Et la sensibilité se terre, invisible aux autres, seulement palpable pour ceux qui s’approchent.
JP (JoeyStarr) regarde “Machine” un peu plus que ses collègues. Il tisse une relation faite de deux pôles qui s’aimantent. Tel le bon père ou le grand frère, qui hisse sa fille ou sa soeur, hors du danger, de manière inconditionnelle. Un ancien addict qui reconnaît instantanément ceux qui sont enchaînés, quel que soit leur poison, leur pratique, ou leur fracture. Il tente de remettre “Machine” en selle, au sens propre comme au sens figuré, puisqu’il lui propose des virées cyclistes et la touche en plein cœur. Celle qui pratique l’art du kung-fu et celui qui incarne la lutte ouvrière, deviennent ainsi reliés par une passerelle, au beau milieu du chaos insécure.
“Des syndicalistes bornés, un influenceur complotiste, un businessman sentimental, un ancien barbouze ou un militaire à la psychologie fragile”, peut-on lire dans le dossier de presse de la série. La chaîne Arte, diffuse une fois de plus, un programme de qualité où l’amitié et la manière humaine tirent leur épingle du jeu. À l’instar de la vraie vie, une main tendue dans l’obscurité, c’est ce qui sauve toujours, au bout du compte. À regarder en replay de toute urgence !
Fondatrice de LCV Magazine en 2009, la journaliste Karine Dessale a toujours souhaité qu’il soit un “média papier en ligne”, et la nuance veut tout dire. A savoir, un concept revendiqué de pages à manipuler comme nous le ferions avec un journal traditionnel, puis que nous laisserions traîner sur la table du salon, avant de nous y replonger un peu plus tard… Le meilleur compliment s’agissant de LCV ? Le laisser ouvert sur le bureau de son Mac ou de son PC, avec la B-O en fond sonore, qui s’écoule tranquillement…
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