Difficile de demeurer indifférent aux apparitions de Philippe Katerine, poète flamboyant et sublime, représentatif de notre époque. En pleine promotion de son nouvel album avec les titres Nu et Sous mon bob, il persiste et signe, avec son apparition pendant la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024.
C’est une image qui a fait le tour du monde. Presque nu, maquillé entièrement de bleu pailleté, Philippe Katerine s’est présenté comme le digne représentant du “Mignonisme”, ce courant artistique qu’il a créé pendant le confinement. Malheureusement, sa participation souhaitée par le metteur en scène Thomas Jolly pour la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024, a déclenché une polémique dont il souhaiterait désormais éteindre le feu digital. Il a accepté de répondre aux questions de LCV Magazine, depuis son lieu de villégiature, afin de résorber tout malentendu.
LCV Magazine : Comment votre contribution s’est-elle inscrite dans cette controverse de la mise en scène de Thomas Jolly ?
Philippe Katerine : Quand j’ai écrit cette chanson Nu, je ne sais pas pourquoi, j’ai tout de suite pensé aux Jeux Olympiques de Paris 2024. C’était quelque chose que je devais absolument chanter. C’était ma mission sur cette terre et c’était très personnel. J’ai donc fait une vidéo pour la présenter, en leur disant qu’ils avaient besoin de cette chanson qui est un message de paix.
Votre participation a été très commentée. Dans quelle mesure votre message était-il pacifiste ?
En fait quand on est nu, on ne peut pas faire la guerre. C’est un message d’aujourd’hui, parce qu’on va être contraint à la décroissance. Et avec le réchauffement climatique on va être nu très vite. De plus, la référence à l’origine dionysiaque des Jeux Olympiques en Grèce était également forte. Quand on m’a proposé du maquillage bleu sur tout le corps, j’étais content parce que c’est ma couleur préférée. J’ai fait beaucoup de body painting dans mes concerts, et quand ils m’ont proposé ce maquillage, je me suis senti à l’aise.
Qu’avez-vous ressenti lors du déroulement de la cérémonie d’ouverture des JO de Paris 2024 ?
On m’avait dit qu’il y aurait un milliard de téléspectateurs, mais j’ai été beaucoup plus impressionné par Snoop Dog qui commentait les Jeux Olympiques (ndlr : sur NBC News). Ma famille était là, mais ce sont des gens que je connais, alors que j’apprécie le travail de Snoop Dog. C’est vraiment ce qui m’a le plus impressionné.
Que pensez-vous de la polémique sur le tableau de Thomas Jolly, qui a été interprété comme une référence à la représentation de la “Cène” catholique ?
Nous n’avons jamais parlé de la peinture de la Cène, il n’y avait pas de pain à rompre, ni de vin à partager. Ma demande était presque une réflexion d’enfant : si vous êtes nu, vous ne pouvez pas cacher une arme. Je pense que la pire invention de l’humanité a été les poches, dans les pantalons ou les vestes. J’ai des enfants (ndlr : avec Julie Depardieu) et on a parlé de ce sujet. C’est ce qui est à l’origine de la chanson et le fait qu’elle parte d’un postulat très minimal, du dénuement et de l’essentiel. Avant tout, une idée candide pour partager un message de paix, ce qui est paradoxal puisque cela a finalement provoqué un peu de haine. Mais c’est la vie d’une chanson, d’être écoutée et interprétée différemment par chaque auditeur.
Qu’avez-vous ressenti lorsque des catholiques ont exprimé avoir été blessés par votre participation à cette mise en scène ?
Chaque personne a sa propre opinion, je ne peux donc pas me prononcer là-dessus, mais je ne me sens pas du tout provocateur. J’aime bien bousculer s’il le faut, mais je n’aime pas blesser les gens. J’imagine que si les gens ont vu la Cène dans cette représentation, ils ont été blessés, et c’est pourquoi je me suis excusé auprès de ces personnes. Je les comprends, je pense que cela aurait été mon cas lorsque j’étais adolescent. Chacun écoute comme il veut. Pareil pour les images, chacun voit comme il veut et ce qui lui convient aussi. C’est la règle du jeu. Certains vont plus loin que d’autres et je n’ai pas de problème avec ça.
Pouvez-vous parler de votre démarche artistique aux personnes qui ne vous connaissent pas ?
Je travaille sur mes chansons encore et encore, et elles ont souvent des significations doubles ou triples, ce qui fait qu’elles ne s’usent pas si vite. Mes disques sont des photographies de ce que je ressens à ce moment-là. Mon dernier album représente une période heureuse et paisible. C’est un disque assez calme, donc il peut y avoir des choses perçues comme de la provocation, mais ce n’est pas du tout le cas. Il s’agit plutôt d’angoisses et de frustrations que j’essaie de transmettre de la manière la plus légère possible.
Fondatrice de LCV Magazine en 2009, la journaliste Karine Dessale a toujours souhaité qu’il soit un “média papier en ligne”, et la nuance veut tout dire. A savoir, un concept revendiqué de pages à manipuler comme nous le ferions avec un journal traditionnel, puis que nous laisserions traîner sur la table du salon, avant de nous y replonger un peu plus tard… Le meilleur compliment s’agissant de LCV ? Le laisser ouvert sur le bureau de son Mac ou de son PC, avec la B-O en fond sonore, qui s’écoule tranquillement…