“C’est qu’il eut de la France une idée, une idée élevée, une idée noble, mais aussi une idée enracinée et réelle : au croisement des deux, il s’est forgé cet idéal charnel, rendant la victoire aussi indispensable qu’inévitable.” C’est ainsi que signe le président Emmanuel Macron, une tribune publiée en février dernier par l’hebdomadaire Le Un, en hommage à Georges Clemenceau. Après s’être rendu dans son Musée le 11 novembre dernier, il salue la vision de l’homme politique, mais aussi l'”obstiné et bougon, infatigable et querelleur, quelque chose de mystérieusement chevaleresque”, avec toute l’humanité que confirme discrètement Laurence Devinat, la petite-nièce de l’homme illustre. Elle évoque toute sa fierté pour cet aïeul inspirant et répond aujourd’hui aux questions de notre rédaction. Nous l’avons rencontrée.
LCV Magazine : Vous êtes l’arrière petite-nièce de Georges Clémenceau et vice-présidente de sa fondation : de quels enseignements pourraient s’inspirer les hommes ou femmes politiques actuel(le)s, de son destin ?
Laurence Devinat : Oui, effectivement, je suis l’arrière petite-nièce de Georges Clemenceau, sans accent. C’est bizarre mais c’est comme ça qu’il l’écrivait. Quelle source d’inspiration ? Principalement sa simplicité et son dénuement. Sa grande culture et son intérêt pour le monde et les arts. Il a beaucoup voyagé dans sa vie, ce qui pour son époque était assez rare. L’amour de son pays. Il a sauvé la France !
LCV : En bref, quelle était sa signature ?
LD : Son courage.
LCV : Quel président était-il et pourquoi lui a-t-on prêté une telle modernité, selon vous ?
LD : C’était un avant-gardiste dans beaucoup de domaines : Il était définitivement anticolonialiste, opposé à la peine de mort, pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, pour le progrès social, pour l’émancipation des masses par l’art et la culture et s’était même clairement positionné contre la souffrance animale. Seul bémol, il n’a pas compris qu’il fallait donner plus rapidement le droit de vote aux femmes.
LCV : Était-il si différent des autres hommes politiques de son époque ?
LD : Non. Sur certains sujets, comme celui que je viens de le rappeler, à savoir le vote des femmes, il suivait l’écrasante majorité des hommes qui y était opposée. Mais pour tout le reste, il les surpassait tous, il avait une vision d’avance : un homme d’esprit, courageux dans les duels, ami des artistes, amoureux de la nature et plus amical qu’amant des femmes, contrairement à la légende…
LCV : Quelle était la France en ces temps-là ?
LD : Une France très inégalitaire où les faibles avaient peu de droits contre les “plus forts”, titre d’un roman que Clemenceau a écrit à la fin du XIXème siècle. Dans le même temps, c’était une France internationale, créatrice, enviée du monde entier pour son art de vivre et son cosmopolitisme. Après la Première Guerre mondiale, la France est victorieuse mais meurtrie. Clemenceau tente de la redresser mais il quitte trop tôt la vie politique, parce qu’il a été battu à la présidence de la République. Il est lui aussi resté intimement meurtri par la boucherie de la guerre.
LCV : Pourrait-on dire que son époque était comparable à la situation actuelle, particulièrement anxiogène socialement, et en ce sens, pourrait-on comparer votre aïeul au président Emmanuel Macron ?
LD : Dans les périodes de tension ou de guerre, Clemenceau a montré qu’il était un dirigeant républicain soucieux de protéger les Français en utilisant parfois la force, mais toujours au service du Droit et des Libertés. En disant la vérité au peuple, et en essayant de le rassembler pour qu’il dépasse ses divisions au service du pays. Cette volonté d’unir les Français, on la retrouve chez Emmanuel Macron, avec une vision positive et un message à adresser au monde, comme chez Clemenceau.
LCV : Présentent-ils selon vous, certains points communs et si oui lesquels ?
LD : Très certainement une vision pour notre pays, et sa place dans le monde ! Avec la culture qui s’impose au premier rang, comme émancipation de l’Homme. Et le courage comme boussole personnelle et politique.
LCV : Le Président Georges Clemenceau était selon la légende populaire, d’une grande rigueur morale, et vivait assez simplement. Pouvez-vous nous confirmer cette information, et nous expliquer s’il s’agissait d’une éducation profondément ancrée dans la personne qu’il était, ou plutôt d’une volonté de conserver un lien de proximité avec ses congénères, cela malgré la hauteur de ses fonctions ?
LD : Il vivait assez simplement, comme son appartement resté en état du jour de son décès en témoigne. Je pense que c’est à la fois dû à son éducation, et à ses propres valeurs.
LCV : Pour être un grand président, faut-il forcément incarner la fonction ?
LD : Oui, je pense.
LCV : Et surtout connaître, sentir, voire ressentir son peuple ?
LD : Aussi. Il l’a prouvé en allant lui-même soutenir ses troupes dans les tranchées.
LCV : Outre vos fonctions au sein de son Musée et pour sa fondation, qui portent l’héritage de votre aïeul, vous êtes Directrice Artistique pour de grandes entreprises françaises. En tant que femme d’image, comment décririez-vous la présence de cet homme dans votre environnement familial ?
LD : Très fière, même si je n’y suis pas pour grand-chose, et admirative. Mais cette descendance représente aussi un poids de ne pas être à la hauteur. Je partage ses valeurs et j’essaie autant que possible de les faire revivre au sein de la Fondation du Musée Clemenceau, et au-delà…
LCV : Vous avez dirigé la refonte du site internet pour le Musée Georges Clemenceau : quels étaient les messages essentiels à porter auprès du public, intéressé par Georges Clemenceau, avec cette vitrine digitale ?
LD : Il fallait tout d’abord remettre de la modernité avec classe et sobriété. Ensuite donner envie d’en savoir plus sur ce grand homme ! Lui redonner vie, en quelque sorte.
LCV : Et êtes-vous satisfaite du résultat ?
LD : Il demeure encore beaucoup de choses à améliorer, avec plus d’interactions, de vidéos, entre autres. En pensant à ce que Clemenceau a toujours dit, je me dis que tout est perfectible !
MUSÉE CLEMENCEAU
http://www.musee-clemenceau.fr
8 rue Benjamin Franklin,
75116 Paris
Tél. : 01 45 20 53 41
musee.clemenceau@wanadoo.fr
Fondatrice de LCV Magazine en 2009, la journaliste Karine Dessale a toujours souhaité qu’il soit un “média papier en ligne”, et la nuance veut tout dire. A savoir, un concept revendiqué de pages à manipuler comme nous le ferions avec un journal traditionnel, puis que nous laisserions traîner sur la table du salon, avant de nous y replonger un peu plus tard… Le meilleur compliment s’agissant de LCV ? Le laisser ouvert sur le bureau de son Mac ou de son PC, avec la B-O en fond sonore, qui s’écoule tranquillement…
Discussion about this post