L’une est peintre, professeure de morphologie-modèle vivant aux Beaux-arts de Versailles où elle a créé les Ateliers Jeunes Talents ; l’autre est sculpteur et professeur de sculpture aux Beaux-arts de Versailles. Il conçoit des projets d’éditions artistiques de volume, notamment une collection “arts de la table” en porcelaine de Limoges… Couple à la ville, ils vivent et travaillent entre Paris et Aubervilliers. S’ils vivent leur confinement comme un cadeau, ils ont également mis ce temps à profit pour mettre en place un rituel quotidien commun. En effet, depuis le premier jour, chacun d’eux crée un masque qu’ils offrent ensuite à leur famille, amis et voisins. Une belle initiative que nous tenions à saluer…
Website : laurencefavory.net / pradel-fraysse.org
LCV Magazine : Comment allez-vous ?
Laurence Favory : Vivante
Jean-Michel Pradel-Fraysse : Bien, merci !
LCV Magazine : Comment vivez-vous votre confinement ?
Laurence Favory : Comme un cadeau… en tant que peintre, être dans son atelier est à la base un confinement choisi et solitaire qui permet la recherche, la création, la fabrication. Là, nous nous sommes retrouvés avec mon compagnon, tous les deux dans le même espace-temps. Pour la première fois, nous travaillons ensemble sur plusieurs projets, comme celui des masques. C’était une envie, un désir que nous avions depuis longtemps.
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Jean-Michel Pradel-Fraysse : J’ai dû m’adapter et trouver des réponses artistiques que je n’aurais jamais imaginées. Pour répondre plus précisément à votre question, ce confinement m’a permis et me permet de me surprendre tous les jours.
LCV Magazine : Votre regard sur le monde et sur l’humain a-t-il changé ces dernières semaines ?
Laurence Favory : Je suis une « accro » de l’observation, du regard, c’est mon matériau de base aux futures créations. Je vois des humains qui se renferment sur eux-même avec leurs peurs et d’autres qui s’ouvrent avec générosité. Ce qui m’étonne en ce moment c’est la qualité du bleu du ciel, il a une une vibration étonnante que je n’avais jamais vue auparavant à Paris.
Jean-Michel Pradel-Fraysse : J’observe avec joie que beaucoup de choses ont changées. Des initiatives simples et modestes mais d’une très grande générosité se sont mises en place. Des petites choses qui étaient impensables avant. Par exemple, le soir à 20 heures lors des remerciements aux soignants, un saxophoniste improvise un court morceau après les applaudissements. Je l’entends mais je ne le vois pas. Je trouve que ce minuscule détail révèle un profond changement. Tout est dans le détail.
LCV Magazine : Comment occupez-vous vos journées ?
Laurence Favory : Je les trouve trop courtes. C’est juste incroyable ma relation au temps a changé et ce dès les premiers jours du confinement. Je n’arrive pas à faire le dixième de ce que je voudrais. L’essentiel de ma journée je l’emploie à des recherches sur de nouvelles formes d’expressions artistiques. C’est très addictif…
Jean-Michel Pradel-Fraysse : Je me suis pris de passion pour une vieille machine à coudre Singer. Je l’ai remise en route et j’ai appris à coudre. Avec Laurence, nous avons mis en place une certaine forme de rituel : tous les jours depuis le début du confinement (je déteste ce mot…), nous cousons minimum un masque chacun, nous les donnons à nos proches, nos amis, nos voisins et à ceux qui nous en font la demande.
LCV Magazine : Selon vous quel est le rôle de l’art en ces périodes de troubles ?
Laurence Favory : L’art dans toutes ses expressions est indispensable, essentiel. L’accès en ce moment se fait par internet et les réseaux, les offres sont multiples. Je pense à ceux qui chez eux n’ont pas internet, pas d’ordinateur, pas de livres, pas de musique, pas d’œuvres sur les murs. Les artistes sont comme la nature en ce printemps, ils ne s’arrêtent pas de travailler. Nous sommes comme des «récepteur-émetteur ».
Jean-Michel Pradel-Fraysse : L’art a un rôle majeur. Il est vital. Beaucoup l’avaient oublié et prennent conscience en ces moments troubles à quel point. L’art apporte joies et surprises.
LCV Magazine : Comment appréhendez vous l’après confinement ?
Laurence Favory : Comme un magnifique point d’interrogation… J’aime jardiner, alors je reprendrais une phrase de Gilles Clément qui expliquait que jardiner équivalait à entrer dans ce qu’il appelle « un territoire mental d’espérance » alors j’ai envie d’imaginer les « jardinières et jardiniers » de l’après, cela demande du temps, de l’humilité, de la persévérance, de l’amour, c’est possible.
Jean-Michel Pradel-Fraysse : Franchement, je peux modestement dire que je n’en ai aucune idée. Mon grand souhait serait que cette épreuve que nous vivons permette aux consciences de s’ouvrir.
LCV Magazine : Qu’est ce qui vous manque le plus ?
Laurence Favory : Embrasser, câliner, gratouiller mes enfants même s’ils sont grands (24 et 31 ans). Nous sommes très famille, très tactiles et ces moments de rires, de partage tous ensemble me manquent énormément.
Jean-Michel Pradel-Fraysse : Mes enfants!!! Ne pas les voir, rire avec eux et les embrasser me manque énormément.
LCV Magazine : Quels « petits bonheurs » vous aident à tenir ?
Laurence Favory : Des petits rituels quotidiens comme faire du yoga le matin, des super jus de fruits et légume, prendre le temps de téléphoner à des amies et amis (j’ai horreur du téléphone en temps normal).
Jean-Michel Pradel-Fraysse : Avoir la chance de partager ma vie depuis plus de trente ans avec ma compagne et de travailler en ce moment avec elle tous les jours.
Interview croisé réalisé par Carole Schmitz que nous embrassons...
Nos remerciements à Éric Brugier de la galerie Brugier-Rigail
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