J’imagine cet orfèvre Mérovingien concentré sur son ouvrage…. Pendant que les autres hommes se battent, il travaille l’os et le bronze pour donner, avec ses doigts de femme, vie à des bijoux raffinés et de délicats accessoires.
J’imagine cet orfèvre essayer de faire le vide, de ne pas entendre le bruit des combats.
Je le vois, la chaleur est étouffante, il enlève la fibule qui retient les pans de sa tunique et, distraitement, commence à la faire jouer entre ses doigts. Ses paupières deviennent lourdes, elles se baissent, laissant les yeux s’ouvrir sur les mondes du rêve.
Je les suis. La fibule s’échappe de ses doigts et entraîne son esprit dans des cieux où virevoltent boucles, déliés, jambages et traverses… Et la fibule danse, danse avec eux, se déplie, s’enroule, invite un e, enlace un t et les fond en elle.
L’artiste se réveille, autour de lui flotte une buée d’o dans l’e, d’e dans l’a et quelques cédilles et trémas… Dans ses doigts la fibule qui, jusqu’alors ne lui servait qu’à attacher sa tunique s’était transformée en un miracle de logogramme, l’esperluette.
Demain, il partira au combat avec les autres hommes et ses doigts de femme, demain il pourra mourir, il a réalisé l’œuvre de sa vie.
Alors, maintenant que vous savez la naissance de ce bijou de ligature, de cette merveille typographique, s’il-vous-plaît ne l’appelez plus jamais « et commercial »
Par Le sanglier
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