Son entrain, son sourire et sa silhouette de jeune homme gommaient ses 81 printemps. Eternelle icône de la mode, Kenzo n’en finissait pas de se réinventer car à ses yeux rien n’était impossible et rien n’était insurmontable, surtout pas son âge. Mais aujourd’hui, le monde de la mode et du design pleurent un de leurs acteurs les plus iconiques. Kenzo, celui qui était devenu célèbre par son seul prénom a tiré sa révérence ce dimanche 4 octobre suite à des complications liés à la Covid-19. Très affectés par cette triste nouvelle, ses équipes souhaitent désormais faire vivre sa mémoire dans la joie avec le souvenir des bons moments.
Lorsqu’il était enfant, il regardait les photos de mode dans les magazines de sa sœur et l’élégance parisienne l’a tout de suite fait rêver. Amener le Japon dans la mode à Paris, c’est ce qui lui permit de se démarquer. Il aura ainsi été le premier créateur japonais à s’imposer à Paris, une ville qui le fascine et a toujours été chère à son coeur. Il y aura passé plus de 50 ans. Il y arrive en 1965, fraichement diplômé de la prestigieuse université Bunka Fashion College de Tokyo, mais pensait alors n’y être que de passage pour 6 mois au plus. Mais, rapidement, il réussit à obtenir un stage chez – le très en vogue -Maurice Renoma. Ce sera le début d’une longue et belle aventure. En 1970, il ouvre sa première boutique et présente une première collection acidulée pour femme faite d’instinct et de liberté. Suivront en 1983 une ligne pour hommes et en 1988 « Kenzo Kenzo » son premier parfum. En 1993, la marque est rachetée par le Groupe LVMH.
Mais en 1999, le créateur décide de reprendre sa liberté et quitte la frénésie de la mode pour se consacrer à diverses nouvelles collaborations et à des projets plus personnels. Tout au long de sa carrière et de ses créations, ses lignes étaient inspirées par une diversité culturelle qui se traduisait par cette manière audacieuse et unique qu’il avait d’associer couleurs et motifs et qui rendaient son style si personnel.
« J’aime être occupé, faire travailler mon esprit et me lancer des défis.»
Très prolifique en terme de création, Kenzo n’a jamais cessé de célébrer l’art de vivre et la mode avec beaucoup de poésie. Reconnu pour son talent et son sens du pluri-culturalisme, celui que l’on considère comme le plus parisien des créateur japonais est nommé Commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres, puis reçoit en juin 2016 les insignes de chevalier de la Légion d’honneur des mains du président du Conseil constitutionnel de l’époque, Laurent Fabius.
La mode qu’il créait avait pour but de durer. Souvent des femmes ou des hommes venaient le voir et lui disaient qu’ils possédaient et portaient toujours des pièces de ses collections datant des années 1970 ou 1980 car ses vêtements demeurent intemporels. De la même manière, il souhaitait que les pièces créées pour K3 soient des objets d’affection, que leurs acquéreurs garderaient, collectionneraient et transmettraient. Dans sa vision du design, l’intemporalité était essentielle.
Le lancement de la marque K3 aura donc été son dernier défi mené à bien, épaulé par Jonathan Bouchet-Manheim son bras droit, Engelbert Honorat et Wanda Jelmini co-responsables de la création. Symbole du mariage entre l’Orient et l’Occident, K三 signifiait aussi « Kenzo San ». Présentée en janvier 2020, cette première collection est composée de trois grands thèmes : Sakura (NDLR : Fleurs de cerisier), Shogoun (NDLR : Chef des armées) et Marko (NDLR : Apprentie geisha) qui font échos à trois choses que le créateur aimait particulièrement au Japon.
« Le luxe est selon moi une émotion qui vous transporte. »
D’ailleurs, chaque année, il partait à Tokyo fin mars pour voir éclore les cerisiers, il aimait aussi se balader à Kyoto dans le quartier des geishas et contempler les jeunes Maikos (geishas en devenir) avec leurs maquillages exceptionnels. De son pays d’origine, il appréciait la culture, les traditions et le savoir-faire qui l’inspiraient énormément. Si l’univers de la décoration lui paraissait souvent trop sobre, son souhait était d’y apporter de la gaité et de la joie de vivre. A ses yeux la couleur anime les intérieurs et un environnement coloré et harmonieux joue énormément sur le bien-être de chacun et permet d’être plus concentré, productif, joyeux.
Pour lui mode et décoration on toujours été très lié même si la mode produit à un rythme très effréné. Les savoir-faire sont transversaux et la notion de mode et de ses accessoires peut amener le développement de certaines esthétiques dans la décoration d’intérieurs. L’un et l’autre interagissent constamment.
« Vous pouvez croiser les plus grands décorateurs aux défilés de mode, ils s’en inspirent régulièrement pour leurs réalisations. Et à l’inverse, on croise souvent des créateurs de mode qui viennent chercher l’inspiration pour leurs prochaines collections dans les grands événements de décoration », nous expliquait récemment le designer. De ses années de mode il n’aura retenu que le positif : la liberté de créer dont il a pu bénéficier dès ses débuts. La bienveillance de ses équipes qu’il n’a jamais cessé de considérer comme une famille et qu’il voyait régulièrement. Ses rencontres et ses amitiés avec Yves Saint-Laurent, Karl Lagerfeld et Jean-Paul Gaultier. Les années Palace et cette émulsion créative qui en sortait et qui les inspirait quotidiennement. Il se sera amusé jusqu’à la fin grâce à la passion.
Carole SCHMITZ
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