Diffusée sur Netflix après un détour peu remarqué sur Canal Plus, il semblerait que la série belge flamande fasse un carton depuis quelques semaines sur la plateforme internationale. Constituée de chair et d’os, tant le trait narratif est bourré d’aspérités, on sent presque l’odeur des chaussettes sales et du Formica, dans le mobile home où s’installent Bob Lemmens et Kim Leroy, deux flics infiltrés, à deux pas de celui d’un des plus grands producteurs d’ectasy au monde. Ensuite, on bascule dans leur histoire et les épisodes s’enchainent sans que l’on puisse s’arrêter. Bienvenue chez les narco-trafiquants du nord de l’Europe.
Au risque d’enfoncer une porte ouverte, il est indéniable que le casting belge magnifiquement ciselé, porte la série à bout de bras. Avec le jeu naturel et charnel de Tom Waes qui, une fois posté dans le champ n’a finalement plus grand chose à démontrer. Crédible jusqu’au bout du décalage de classe, car avec un peu de recul, on peine à comprendre comment un bonhomme qui lui ressemblerait, type nouveau bourgeois au volant de son SUV, pourrait un jour se retrouver dans un camping prolo à Limbourg, afin d’y passer ses congés. Pourtant, la sauce prend, grâce au regard sûr qui ne tortille pas, et on se laisse embarquer. La case est cochée. Pire, on en redemande.
Il s’installe, coule des jours qu’il consacre au bricolage, échange brièvement avec ses voisins louches, qui n’ont pas l’air de l’être d’ailleurs si on ne les regarde pas de trop près, rend quelques services, démontre un brin de virilité, au moment où elle est convoquée, sans trop en faire. Et l’affaire est dans le sac. Sans être devenu le meilleur copain du parrain, il acquiert sa confiance. Il se rend indispensable. La couverture fonctionne.
Certainement aussi grâce à l’alchimie tissée par l’envoutante Anna Drijver qui campe l’agent Kim De Rooij, sa petite amie dans le script. Ensemble depuis peu, puisqu’elle le fréquente depuis son récent divorce. Ils se rapprochent ensemble de l’allemand Ferry Bouman, qui mène une petite vie tranquille dans une villa du camping, plantée à la frontière de la Belgique et de l’Allemagne. Baron de la drogue, il est entouré d’une bande dévouée à la vie à la mort, dont son bras droit, qui sait faire le pas de côté et anticipe souvent les coups. Le portrait ultra-réaliste du baron, visiblement inspiré d’une histoire vraie selon ce qu’évoquait lors de la promotion, Nico Moolenaar, son scénariste principal et showrunner, est incarné par Franck Lammers. Il a les traits d’un personnage sans pitié, visqueux et vulgaire, capable de se transformer en chamallow face à seconde jeune épouse extrêmement bien jouée, elle aussi, par Elise Schaap. Simple, au sens littéral du terme, elle semble surfer sur une vague parallèle, sans prendre aucune mesure de ce qui se trame autour d’elle. Naïve et empêtrée dans ses problématiques de poupée Barbie, entre manucure et désirs inavoués.
Le propos de la série est grand public, accessible, et le script n’est pas d’une grande complexité mais nous apprécions son traitement non linéaire. La réalisation est sensible, les plans ne perdent rien des regards particulièrement intenses, et d’un jeu affuté, en mouvement : le réalisateur a du se régaler. Aucun des protagonistes n’est laissé sur le côté au fil des épisodes. Si l’on constate quelques ralentissements parfois (nul n’est parfait), chaque fil des relations inter-personnelles est tiré jusqu’à la corde. Qu’il s’agisse du rôle de Tom Waes en famille, sous couverture, ou avec ses collègues policiers, il entretient des échanges nourris tous azimuts, ce qui n’est pas donné à toutes les productions du genre, où l’on nous abandonne souvent au milieu du gué. Avec des stories qui avancent autour d’une personne qui disparaît soudain sans raison, comme si les scénaristes l’avaient tout bonnement oubliée. Dans Undercover, un bémol toutefois pour Kim, la partenaire 2d rôle, dont la beauté brute s’impose dans les plans d’un trait de crayon, verticale et élancée, dans un rôle d’anti-belle plante fortement intériorisée. Regardée la plupart du temps sur une seule dimension professionnelle, ce qui semble être justifié par un statut célibataire, sans vie personnelle. On regrette toutefois de ne pas en savoir plus. Lorsqu’au sein du clan des voyous, les interactions sont également nombreuses, et les sujets pas seulement liés au traffic de drogue.
A savoir, pour la suite de l’aventure que la deuxième saison est au niveau de la première, dans la mesure où le scénario ne se fait pas de cadeau, puisqu’il accepte de pousser des choix certainement douloureux, au détriment de l’attachement envers certains personnages, cela dans l’intérêt du film ce qui est toujours le meilleur choix à faire en matière cinématographique. On en révèlera pas plus.
Outre la matière du film à suspens, la série nous fait également toucher du doigt, la rivalité entre les Flamands et les Hollandais certes assez éloignée de nos préoccupations françaises, mais plutôt intéressante à observer dans un thriller de cette qualité, qui a été très bien vendu à l’international. D’autant que le public sensible au sujet (et concerné) y a trouvé des répliques à l’élan humoristique, visiblement appréciable.
A voir absolument.
UNDERCOVER Sortie originelle le 24 février 2019 | 50 min Série : Avec Tom Waes, Anna Drijver, Frank Lammers, Elise Schaap, Robbie Cleiren, Disponible sur Netflix
Fondatrice de LCV Magazine en 2009, la journaliste Karine Dessale a toujours souhaité qu’il soit un “média papier en ligne”, et la nuance veut tout dire. A savoir, un concept revendiqué de pages à manipuler comme nous le ferions avec un journal traditionnel, puis que nous laisserions traîner sur la table du salon, avant de nous y replonger un peu plus tard… Le meilleur compliment s’agissant de LCV ? Le laisser ouvert sur le bureau de son Mac ou de son PC, avec la B-O en fond sonore, qui s’écoule tranquillement…
Discussion about this post