Avec Luther, la série de 2010 qui a propulsé Idris Elba sous les étoiles, les britanniques auront signé 5 saisons de haute volée, qui résistent au temps. On la retrouve actuellement sur Netflix dans son intégralité, et on se délecte de la voir et la revoir… Et pas seulement parce que l’on succombe au charme du héros impétueux. Quoique ! 😉
Si l’on peut parler d’histoire des séries, puisque le format qui aimante les meilleurs réalisateurs ces dernières années est devenu un genre en tant que tel, la production britannique peut désormais rivaliser avec certains bijoux de la TV Fiction de ses homologues américains. A la seule différence que les budgets investis outre-Manche n’ont rien de comparable avec les épisodes made in US, notamment sur la chaine HBO. Pourtant, on ressent la finesse du trait scénaristique, qui verse plus dans la dentelle, avec des “characters” (personnages) magnifiquement dessinés, qui révèlent failles et questionnements légitimes. On est loin des productions policières mainstream (grand public) dont les (grosses) ficelles sont apparentes, et que l’on regarde juste pour se changer les idées. Ici, les valises sont chargées. On observe des protagonistes empêtrés dans les intrigues, qui peinent à formuler des choix à vocation définitives. L’histoire de la vie, en somme. C’est ce que l’on aime dans ces fictions anti-entertainement, des stories qui ne laissent pas indemne, ne racontent pas des tragédies de pacotille, et qui nous poussent dans nos retranchements.
La première saison suit les tribulations et vicissitudes de John Luther, un inspecteur au tempérament entier, qui évolue dans une équipe policière d’apparence impliquée et professionnelle. Des intrigues dont l’architecture ressemble à celle des ” Colombo “, puisque l’on connaît le coupable dès le début de l’histoire, pour un flic intuitif dont on ne voit transparaitre de sa vie privée, que l’omniprésence d’une épouse qu’il aime encore.
Idris Elba, l’acteur principal dont il s’agit, incarne un héros massif et véritable, dans les moindres détails de sa gestuelle, son allure et ses emportements. Et cela jusqu’au bout des pieds pourrait on dire, grâce au travail minutieux des accessoiristes, qui le chaussent entre autres finesses, de souliers pas très nets pour les plans de coupe, des cheveux non travaillés, une peau avec quelques petits défauts. Certains des arguments visuels qui campent d’un air de rien le charme et a crédibilité de cet inspecteur explosif. Plus marquant physiquement que dans ” The Wire ” (HBO) où il interprète le numéro deux d’un gang plus lisse, un peu trop ” propre sur lui “.
Les épisodes de Luther imposent une dramaturgie précise, cynique, des impasses et des rebondissements écrits de toute évidence avec réflexion, interdiction d’un pool d’auteurs tenaces, qui ne lâchent rien. Un montage , dont le rythme alterne en fonction de la narration, plutôt lent sur l’instant suspendu d’une mise en scène nocturne et morbide, où un serial killer dispose méthodiquement des objets autour du corps gisant de sa victime, ou un autre assassin nettoie minutieusement le congélateur habitacle de sa dernière proie . Plutôt rapide à d’autres moments de tension, le montage se cale sur la partition émotionnelle de John Luther, toujours vif et charnel. Le tout souligné par un mode comportemental certainement proche de l’homme qu’il est en dehors de la lumière des projecteurs, de fait définitivement touchant pour le spectateur dans le déroulement de ses investigations. Le cadre est souvent original, des plans serrés qui se décalent, de l’air autour des visages, sur la droite, sur la gauche, une caméra intelligente, qui sait feindre parfois le fouillis, pour dire ce qu’il faut dire, faire ce qu’il faut faire… Une lumière multiple, déclinée selon les contextes, des visions urbaines brutes, des intérieurs doux ou trop éclairés, des ambiances lourdes, jamais vulgaires, une décoration juste.
On découvre également Ruth Wilson, cette comédienne qui incarne le rôle d’Alice Morgan, soupçonnée d’avoir tué ses parents, une femme obsessionnelle, qu’il aime autant qu’il la redoute avec un talent à tomber par terre. On se prosterne devant l’intelligence de son jeu et d’avoir pu rendre crédible le duo avec Luther, ce qui n’était pas gagné d’avance. A noter qu’on peut la trouver, toujours sublime dans son art de la comédie, dans la série The Affair, merveille du genre où l’on retrouve également Dominic West (coeur avec les doigts), acteur britannique repéré dans The Wire (HBO) dont on pourrait parler des heures, tant son interprétation est également réglée sur un roulement à bille et donne une leçon d’incarnation qui ne verse jamais dans la facilité.
Ce sera peu de dire que nous sommes emballés ! A voir dès que possible. Les saisons suivantes sont au même niveau. Dommage que la production n’ait pu financer que quelques épisodes pour la dernière. Les levées de fonds sont parfois portées par des raisons nébuleuses que le coeur ignore… On aurait tant aimé suivre Luther quelques saisons de plus…
Luther, 5 saisons depuis 2010 (création BBC, chaîne d'origine) : 52min avec Idris Elba, Ruth Wilson, Dermot Crowley... Actuellement diffusée sur Netflix.
Fondatrice de LCV Magazine en 2009, la journaliste Karine Dessale a toujours souhaité qu’il soit un “média papier en ligne”, et la nuance veut tout dire. A savoir, un concept revendiqué de pages à manipuler comme nous le ferions avec un journal traditionnel, puis que nous laisserions traîner sur la table du salon, avant de nous y replonger un peu plus tard… Le meilleur compliment s’agissant de LCV ? Le laisser ouvert sur le bureau de son Mac ou de son PC, avec la B-O en fond sonore, qui s’écoule tranquillement…
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