Benoît Furet découvre la calligraphie presque par hasard, il y a 28 ans, lors d’un stage avec Keith & Amanda Adams. Il confie sur son site qu’il est “immédiatement devenu accro”, et on veut bien le croire, tant il est intarissable au sujet de son Art et en parle avec passion. Aujourd’hui, il revendique la maîtrise d’une version de toutes les grandes écritures historiques de l’Antiquité à la Renaissance : l’onciale, la rustica, la carolingienne, les gothiques, l’humanistique et la chancelière, ainsi que des écritures modernes développées au cours du XXème siècle comme la Neuland ou des alphabets aux formes empruntées à l’Art Nouveau. Mais également des écritures comme la minuscule de Luxeuil ou l’insulaire. Une interview suspendue hors du temps, dont on ne ressort pas indemne.
Qu’est-ce que le métier de calligraphe ?
La calligraphie, étymologiquement, c’est l’art de la belle écriture, qui se pratique dans toutes les cultures, latine, arabe, chinoise, japonaise ou encore hébraïque. Moi, je ne pratique que la latine car je ne parle pas ces langues et je veux pouvoir comprendre ce que j’écris. Ce métier met en lumière des textes, essaye de créer une œuvre graphique qui va susciter chez le spectateur une sensation ou un sentiment équivalent à ce que le calligraphe lui même ressent à la lecture des textes.
Comment avez-vous appris la calligraphie ?
Par hasard, je ne connaissais même pas le mot ! À l’origine, je voulais apprendre à faire de la décoration celtique. J’ai donc participé à un stage où il y avait les deux activités. La décoration celtique n’est arrivée que les dernier jours, on calligraphiait depuis plusieurs jours… j’ai été conquise ! Après cela, pendant une quinzaine d’années j’ai suivi des cours pendant les vacances, avec plusieurs professionnels.
Comment faites-vous pour faire de la calligraphie ancienne tout en restant moderne ?
On peut dire que je recycle du vieux pour faire du neuf ! J’étudie des manuscrits du Vème ou XIIème siècle et je recopie les écritures de la façon la plus précise possible. Mais la composition, les textes que j’utilise, les couleurs et supports que je choisis, sont du XXIème siècle. Je travaille sur papier, sur pierre, sur bois ou encore sur métal avec des encres que je fabrique moi-même à partir de recettes médiévales, mais j’utilise aussi de la peinture acrylique et de l’aquarelle, des matériaux assez modernes. Je n’utilise pas énormément de couleurs – alors qu’au moyen-âge ils adoraient les contrastes colorés très forts – je fais plus du ton sur ton, c’est un peu ma patte. Je recycle donc l’histoire pour faire des œuvres d’aujourd’hui.
Qu’aimeriez-vous apporter au milieu de la calligraphie ?
D’abord que l’on parle vraiment de calligraphie ! Certains font de la « calligraphie abstraite ». C’est plus de la calligraphie, ce ne sont plus des lettres. La calligraphie, c’est de la belle écriture et donc s’il n’y a pas d’écriture ce n’est pas de la calligraphie, c’est à la limite de la peinture abstraite faites avec des outils de calligraphie mais ça n’a rien à voir avec la calligraphie ! Pardonnez moi, c’est quelque chose qui m’exaspère un peu. Tant que j’y suis, je suis aussi très agacés par ceux qui font de « la gestuelle ». Une sorte de calligraphie très rapide, avec des outils qui font des tracés pas nets. Certains font ça sans maîtriser les formes canoniques. Avant de faire n’importe quoi, il faut maîtriser le modèle historique. Ensuite on a le droit de s’en éloigner et faire différemment. Beaucoup de personnes font des choses sans savoir et ça m’ennuie un petit peu. Voilà pour le clacissisme ! En ce qui concerne ce que j’aimerais apporter à la calligraphie, je rêve de davantage de mélange.
Comme je vous l’ai dit, je ne parle ni chinois ni hébreux ni japonais, mais j’aimerais bien que l’on trouve une espèce d’espéranto de la calligraphie. Pouvoir mélanger des signes, et profiter du meilleur de tous ces mondes-là, de toutes ces écritures et de toutes ces histoires. Avec l’Afrique aussi, que je connais encore moins. Par exemple, il y a une personne que j’aime beaucoup : Alicia Banon, de Sarlat. C’est une jeune femme calligraphe latine, mais dont l’écriture a une influence arabe. Elle s’en inspire beaucoup et c’est génial ! Donc voilà, si je devais choisir quelque chose à apporter à la calligraphie ce serait ce mélange de cultures.
Peut-on vivre du métier de calligraphe ?
Il faut écrire et aussi publier, la plupart des calligraphes professionnels sont ceux qui ont publié des livres. Mais aujourd’hui même les grands noms de la calligraphie font la majorité de leurs revenus grâce à des formations et notamment en ligne.
Vous pouvez découvrir le travail magnifique de BENOIT FURET sur son site ici : https://www.anachropsy.com/ Propos recueillis par : Alexandre DE BEUKELAER, Inès CHEIKH-MOUSSA, Lyla HARRABI & Fara MENDY
Rewriting @IsabelleSouquet
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