Visage considéré comme inattendu à ses débuts il y a une décennie lorsqu’il défraya la chronique des journalistes musicaux surpris par son arrivée presque trop innovante, Brad Meldhau s’est finalement imposé sur la scène du Jazz contemporain. Il déambule au fil des albums sur des terrains plus ou moins glissants, il explore des univers toujours plus sensibles qui alimentent une personnalité indéniablement dense.
Est-ce que la maturité force un peu la douceur, dans nos vies indomptables ? Comme si l’on grandissait pour découvrir qu’il n’est pas raisonnable de cristalliser chaque émotion qui passe, que les journées sauront gommer tout ce qui dépasse et que plus tard, éventuellement, nous irons mieux. On retrouve avec ” Highway Rider “, dernière ouvre du pianiste Brad Maldhau, des titres susurrés qui manquent – à notre goût – parfois d’estomac et des reprises étonnantes qui font désormais la marque de fabrique de ce musicien de son temps. Ancré dans les références des artistes de son âge et parlant leur langage. Comme il s’impose à certains projets cinématographiques (Ma Femme est une actrice, Réal. Sylvain Attal en 2001, un film de Wim Wenders en 2000, et deux de Clint Eastwood 1998 & 2000), puisqu’il fait écho au monde qui l’entoure. Il lui ressemble. Pianiste tatoué, prostré sur le clavier lorsque l’on a pu le découvrir en live sur scène, certes un peu moins autiste avec le temps dans ses élans, mais semblant toujours viscéralement sauvage. Des messages dans les titres de ce nouvel opus sans osmose, contradictoires “Now You Must Climb Alone”, puis “We’ll Cross The River Together”, des orchestrations très différentes au fil des interprétations, parfois imposantes “Walking the Peak” un brin prétentieuses, avec une intensité Jazz à taux variable d’un morceau à l’autre. Comme si c’était un endroit choisi par Brad Meldhau pour y faire quelques tentatives. Le luxe absolu des grandes signatures musicales, dont les labels acceptent les sursauts, et accompagnent les expériences, au cour du cheminement de leurs réflexions, pour les aider à grimper encore plus haut et pousser leur Art le plus loin possible. Là devrait d’ailleurs être l’objet de toute ” carrière ” de ce type, avec son lot de productions révolutionnaires, ou peut-être faibles, ses inspirations, ses pages blanches. Quel chemin je prends ? Tiens je vais goûter ce tempo, cette structure là.Si je tournais à gauche cette fois-ci ? Si je me contentais de l’essentiel ? Si j’invitais Joshua Redman ? C’est une proposition à tiroirs, avec ses incohérences, même s’il retombe sur ses pieds pour un ” Capriccio ” au groove plus évident, on s’y retrouve un peu plus. Belle conclusion, certes charmante, qui détonne encore indéniablement avec chapitre précédent. Meldhau cherche, creuse, tente et se retourne. Et cela nous rassure. Parce que c’est un présage fort de ce vers quoi tend son voyage commencé si tôt, en mélomanie.
Highway Rider BRAD MEHLDAU (Nonesuch). Disponible. www.bradmehldau.com
EN CONCERT LE 14 JUILLET AU TOUQUET Palais de l’Europe- LE 22 NOVEMBRE A PARIS -Théâtre du Châtelet –
Fondatrice de LCV Magazine en 2009, la journaliste Karine Dessale a toujours souhaité qu’il soit un “média papier en ligne”, et la nuance veut tout dire. A savoir, un concept revendiqué de pages à manipuler comme nous le ferions avec un journal traditionnel, puis que nous laisserions traîner sur la table du salon, avant de nous y replonger un peu plus tard… Le meilleur compliment s’agissant de LCV ? Le laisser ouvert sur le bureau de son Mac ou de son PC, avec la B-O en fond sonore, qui s’écoule tranquillement…
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