Le concept de concert à la bougie proposé par Candlelight* à la Cathédrale américaine, est – outre son romantisme absolu -, certainement l’un des meilleurs moyen de s’extraire de la tension parisienne actuelle, pour ne pas dire permanente… D’autant plus lorsque l’on assiste à la performance d’Eric Artz, virtuose dont le charme agit instantanément, tant il incarne sa musique et impose l’échange véritable, de personne à personne, lors de ses représentations. Il partage au sens littéral du terme, les oeuvres interprétées, c’est à dire qu’il explique – de manière assez atypique – ce que ses doigts narrent en mélodie, et permet ainsi au public de s’imprégner profondément des histoires qui s’échappent, au fil de son clavier intrépide… Nous le remercions de répondre, avec la même sensibilité et disponibilité, à certaines de nos interrogations.
LCV Magazine : Nous avons assisté hier soir aux deux concerts à l’église Américaine, où vous avez interprété quelques pièces de Chopin et une de Beethoven, pour notre plus grand bonheur ! Virtuose depuis l’enfance, vous jouez dans les plus grandes salles en France et à l’international : est-ce qu’un concept tel que Candlelight vous offre l’opportunité de réinventer votre approche artistique ou est-ce que cela ne change rien finalement à votre manière de jouer ?
Eric Artz : Je fais des concerts de piano depuis l’âge de 10 ans, et chaque concert est toujours une nouvelle expérience enrichissante. Le concept des concerts Candlelight est pour moi une belle expérience unique et nouvelle. En effet, contrairement aux concerts dans une salle de spectacle, avec des lumières spécifiques pour une scène, les concerts avec l’ambiance des bougies m’ont beaucoup inspiré dans les oeuvres de Chopin, Beethoven et Liszt, que j’ai pu interpréter. L’ambiance est vraiment magique, dans un beau silence et j’ai senti les gens très apaisés, concentrés et bienveillants. J’ai ressenti que ma façon de jouer étaient un peu différente car j’étais vraiment inspiré avec cette ambiance tamisée. J’ai également trouvé la moyenne d’âge plutôt jeune ce qui m’a fait plaisir car je cherche à encourager les plus jeunes à venir aux concerts classiques. Enfin j’ai été très touché que les gens se lèvent à la fin et j’ai été très ému.
LCV : Vous semblez ressentir une tendresse toute particulière pour les compositeurs que vous interprétez : est-ce l’interprète peut se targuer de percer le mystère du maître grâce à son jeu ?
EA : Pour Chopin, compositeur polonais, j’avoue avoir une petite affinité car ma grand mère est polonaise. Un petit faible pour la période romantique qui me touche plus (Chopin, Liszt, Schubert…) ou post romantique (Debussy, Rachmaninov…). A force de travail des partitions que nous ont laissé ces grands maîtres compositeurs, j’essaie de leur faire honneur en interprétant au mieux leurs oeuvres, en me renseignant dans leur biographie, en écoutant les grands interprètes du siècle (Horowitz, Sokolov, Volodos, Gilels ….). Je continue ce long chemin pour tenter de percer tous leurs secrets et les héritages qu’ils nous ont légués.
LCV : Comment choisissez-vous les œuvres que vous décidez d’inclure à votre répertoire ? Parce que ce sont des “hits” ou par affinité intime et personnelle ?
EA : J’ai la chance d’avoir un grand répertoire et je continue à l’enrichir chaque année. Pour le choix des morceaux, tout dépend des concerts ou festival ou je joue pour choisir mon programme. En effet, il y a des fois un thème choisi par l’organisateur, ou bien des recommandations (faire des oeuvres connues pour un public non connaisseur ou bien l’inverse pour des mélomanes). Par exemple pour mon 1er Candlelight, le thème était Halloween, j’avais donc choisi par exemple la danse macabre de Saint-Saens, le roi des aulnes de Schubert, Marche Funèbre etc. Le 29 novembre, on m’avait demandé un programme dédié à Chopin. Voyant un public plutôt jeune le 31 octobre, j’ai opté pour des morceaux assez populaires de ce compositeur pour des non connaisseurs et leur faire découvrir le classique, mais en ajoutant quelques oeuvres un peu moins connues pour des mélomanes avertis. J’ai donc essayé de trouver un juste milieu pour que le public y trouve son compte.
LCV : Vous semblez tenir à inclure (ne pas exclure) votre public dans votre danse, car vous n’hésitez pas à expliquer, narrer des anecdotes… : est-ce que la pédagogie est essentielle au partage selon vous ? Et qu’est-ce qu’elle apporte à l’écoute néophyte ?
EA : Depuis quelques années, j’ai pris le parti de changer un peu le concept d’un concert classique en parlant un peu au public lors entre les oeuvres. Je souhaitais changer un peu l’approche d’un concert classique ou les interprètes ne font que jouer leurs morceaux. Je me mets à la place de plusieurs personnes qui viendraient pour la 1ère fois à un concert et rarement écouter de la musique classique. Je tenais, avec une petite anecdote de l’oeuvre ou petite analyse, à partager un peu plus que de la musique. A la fin du concert, j’ai des remerciements du public pour avoir eu cette approche et les gens m’expliquent qu’avec une petite explication du morceau, ils ont écouté différemment, retenu la mélodie, le titre et pour ceux qui connaissaient l’oeuvre, ont écouté d’une autre façon. Cela m’encourage donc à continuer. J’enseigne le piano depuis 20 ans maintenant déjà (J’ai commencé mes premiers cours à 15 ans) et c’est important pour moi de partager ce que j’aime.
LCV : Comment un messager de l’histoire tel que vous, qui fait revivre à l’infini des œuvres qui parlent d’une époque révolue, s’adapte à cette ère des réseaux sociaux ? Est-ce incontournable pour assurer la survie de la musique classique à moyen et long terme ?
EA : Nous sommes dans une époque ou les réseaux sociaux sont effectivement importants pour partager et communiquer, pour la musique classique mais comme pour tous les domaines moins médiatisés. Pour ma part, le fait de communiquer sur Facebook, instagram (@eric.artz) apporte une visibilité pour mon métier de concertiste (vidéos, audios, etc) et ce ne serait pas suffisant d’en parler vive voix ou par courrier pour promouvoir un événement par exemple.
LCV : Pouvez-vous nous parler du programme concocté pour fêter les 250 ans de la naissance de Beethoven ?
EA : Anniversaire oblige, Beethoven fera partie d’un des compositeurs phares pour ma programmation de 2020. Les sonates ‘pathétiques’, ‘clair de lune’, ‘Appassionata’ et ‘tempête’ seront à l’honneur mais rappelons qu’il y a 32 sonates donc j’ai un grand choix devant moi toute l’année pour en jouer des nouvelles et en faire découvrir au public. J’aurai la chance aussi de jouer le 3ème concerto avec orchestre à Bordeaux, que j’avais joué à 15 ans à radio France et que je vais rejouer… 20 ans plus tard. J’espère avoir un peu progressé et mûri l’oeuvre depuis 🙂
Propos recueillis par Karine Dessale
www.feverup.com
Réservations des concerts CANDLELIGHT
Teaser Candlelight
- Production FEVER
Coordonnées pour suivre Eric Artz :
@eric.artz
Dates de concert : https://www.ericartz.com/agenda-concerts/
Fondatrice de LCV Magazine en 2009, la journaliste Karine Dessale a toujours souhaité qu’il soit un “média papier en ligne”, et la nuance veut tout dire. A savoir, un concept revendiqué de pages à manipuler comme nous le ferions avec un journal traditionnel, puis que nous laisserions traîner sur la table du salon, avant de nous y replonger un peu plus tard… Le meilleur compliment s’agissant de LCV ? Le laisser ouvert sur le bureau de son Mac ou de son PC, avec la B-O en fond sonore, qui s’écoule tranquillement…
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