Directeur général depuis 2003 de l’ISCOM (Institut Supérieur de Communication et Publicité), Virginie Munch, partage aujourd’hui avec LCV Magazine, sa vision de la mutation des modes de travail et le rôle d’une école dans la construction personnelle d’un étudiant. Un éclairage particulièrement précieux pour l’entreprise, qui devra compter bientôt sur de jeunes pousses professionnelles qui ne ressemblent en rien aux précédentes. Radiographie d’une révolution générationnelle.
LCV : Les entreprises semblent souvent démunies face aux comportements des jeunes générations, surtout lorsqu’elles les engagent au sein de leurs équipes. Je suppose qu’avec un campus tel que le vôtre, vous êtes les témoins privilégiés de cette mutation. Pouvez-vous nous parler de ce que vous avez pu observer au sein des dernières promotions ?
Virginie Munch : Il y a eu un changement de comportement avec l’arrivée d’une nouvelle génération d’étudiants. Je daterais même l’accélération de ces changements comportementaux à une période toute récente, probablement pendant l’année 2014. Je crois qu’il y a une vraie attente générationnelle pour plus d’autonomie dans l’apprentissage. En définitive, ce qui me frappe le plus, c’est leur besoin de liberté et de souplesse. D’ailleurs, cette demande remonte spontanément de la part de nos étudiants : ils veulent une relation transformée avec leurs intervenants. Pour vous donner un exemple, l’un des premiers cours qui a évolué pour répondre à ces besoins, c’est l’enseignement des langues. Nous avons décidé d’intensifier les cours de conversation avec les professeurs. À présent, l’école combine des enseignements à distance en autonomie et des cours conversationnels en effectif réduit. Bien entendu, ces nouveaux comportements conduisent à transformer le rôle des intervenants vers davantage de coaching. Nous avons également introduit des modifications dans un cours important à l’ISCOM, celui de stratégie de marque. Cet enseignement est totalement digitalisé. En revanche, il intègre des tutorats d’accompagnement pour les étudiants, qui se font essentiellement en salle de classe. L’une des autres caractéristiques de ce changement générationnel, c’est la difficulté qu’ont certains étudiants à se concentrer, parce qu’ils sont environnés de terminaux mobiles. Ils ont ce besoin à tout moment et à chaque instant d’être connectés.
LCV : Avec la transformation numérique, imaginez-vous une école 100% digitale, avec la totalité des cours en ligne ou réalisés à distance ?
VM : De mon point de vue, cela n’aurait pas de sens de tout digitaliser. Je crois que la pédagogie, comme la communication, se construit d’abord dans la relation à l’autre et à partir d’échanges constructifs. Néanmoins, je vois certains avantages à la digitalisation des enseignements. Cela permet par exemple de remplacer une relation très classique à l‘intérieur d’une salle de cours par une relation plus privilégiée avec un intervenant, un coach ou encore un tuteur.
VM : Lorsque vous vous projetez dans les années prochaines, comment imaginez-vous l’école de demain ?
VM : L’école de demain ? Je l’imagine avant tout sans cours classiques ! En fait, ce serait une école pleine de lumière, calme, vivante et sereine. Je vois tout à fait des étudiants travailler en petits groupes, entre eux ou avec des entreprises. De mon point de vue, l’école de demain, c’est aussi plus de mixité entre des créateurs d’entreprise et entre des étudiants porteurs d’un projet entrepreneurial. L’école de demain, ce serait aussi un lieu d’échanges permanent, avec des anciens élèves qui reviennent se former et des élèves qui se forment pour la 1ère fois. En réalité, je souhaite un lieu sans beaucoup de murs à l’extérieur… et sans murs à l’intérieur. Autant dire que ce serait une école intégrée dans la vie réelle. L’école incarne à la fois une forme de sanctuaire, parce que c’est un lieu protégé mais c’est en même temps un endroit où l’on est très conscient de la contribution que chacun peut apporter au monde qui nous entoure. L’école de demain, je la conçois comme un lieu de réflexion, de création, de production. Pour moi, il n’y a pas un temps où on étudie et un temps où on travaille. Il y a d’abord la construction d’une personnalité complète, qui va vivre avec beaucoup de richesse au sein de la communauté dans laquelle elle se trouve. Mais l’école de demain à l’ISCOM, c’est déjà aujourd’hui.
LCV : Le bien-vivre ensemble est une préoccupation en entreprise. Comment cette thématique s’introduit-elle dans l’école ?
VM : En fait, toute la réflexion sur la transformation des locaux a d’abord été celle d’une réflexion au service des étudiants, pour leur permettre de mieux-vivre leurs études, de vivre leur école. À mon sens, il faut pouvoir se souvenir avec plaisir de sa vie étudiante. L’école doit participer pleinement à la construction de la personnalité d’un étudiant. Progressivement, nous avons lancé la thématique du bien-vivre ensemble, ce qui, de facto, ancre la nécessité d’avoir des relations de qualité avec l’autre. Nous avons travaillé en profondeur ce sujet avec nos intervenants, en organisant pour toutes les années d’études des séminaires dès la rentrée. Cette initiative a été bien perçue par le corps professoral, qui s’est montré très dynamique sur l’organisation de ce module. Nous y abordons des thèmes larges : réputation, personnal branding, partage de valeurs de tolérance, d’engagement, de progrès et aussi la contribution de chacun pour un campus plus durable. Dans un second temps, nous ferons un bilan qui nous servira pour produire un manifeste axé sur l’attention portée à l’autre et le bien-vivre ensemble. L’autre facette de la réflexion concerne l’aménagement des espaces.
LCV : Comment le cadre de travail favorise-t-il la qualité de relation entre les intervenants et les étudiants mais aussi la qualité au sein du groupe ?
VM : A partir d’échanges avec nos étudiants, nous avons décidé de leur redonner des espaces complets, avant tout pour qu’ils puissent mener sereinement leurs projets et vivre leur école. Nous avons imaginé un concept global, le multispace, qui est symbolique de ce que font les élèves à l’intérieur de leur école. Ils apprennent, partagent, échangent et collaborent ensemble, dans un univers très connecté. Voilà comment est né notre premier grand espace collaboratif que nous appelons Learn Live & Connect. Cet espace s’ouvre d’ailleurs sur un patio intérieur, qui permet aux étudiants qui le souhaitent de travailler dehors à la belle saison. Plus tard, nous avons imaginé Think, Create, Innovate, des espaces dédiés à l’entrepreneuriat, à la création et à la production. Enfin, nous avons recréé des espaces étudiants, en jouant sur la transparence, la charte de l’école, la personnalisation des salles de cours et des matériaux naturels. En fait, cette démarche s’inscrit en parallèle de la réflexion que font les grandes agences sur l’aménagement des espaces de travail. Mais nous avons été animés par une seule réflexion : le confort et le bien-être des étudiants.
*Depuis 1986, l’ISCOM, Institut Supérieur de Communication et Publicité, est une grande école généraliste qui donne à ses étudiants les clefs pour comprendre le monde et développe leur sens de l’engagement, leur esprit critique et leur créativité. C’est aussi une école du « Faire » et de la Création. L’école a développé un réseau de 7 établissements en France et a tissé des partenariats internationaux dans des universités et des entreprises à travers le monde.
** L’interview a été réalisé par la rédaction de LCV Magazine, en collaboration avec l’ISCOM
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