Avec son physique d’acteur, et ses yeux de cocker mélancolique, ce fan de jazz new-yorkais d’adoption, avait hissé son métier d’écrivain au rang de superstar internationale. Paul Auster est mort à 77 ans d’un cancer du poumon, une information confirmée par l’un de ses amis intimes.
Né en 1947 à Newark dans le New Jersey, diplômé d’un Master of Arts à l’université de Columbia, new-yorkais d’adoption il a vécu à New York avec sa femme, la romancière Siri Hustvedt. L’information de son décès a été relayée par le New-York Times, qui publie un sublime portrait de lui en noir et blanc, signé par Todd Heistler.
Il aimait tant la France qu’il déclamait systématiquement sa flamme en interview, lors de ses passages sur le territoire national. Le magazine New York évoquait même qu’il était considéré à Paris “comme une rock star”. Et c’était assez vrai parmi les seniors, certainement. Ils avaient suivi son ascension et ses tribulations dans les années 80 et 90. Ils savaient qu’il avait vécu un moment de sa jeunesse au sein de la capitale, et le considéraient comme le plus français des auteurs américains.
Il avait d’ailleurs reçu quelques prix littéraires français. Son talent était reconnu par tous, et l’univers de Brooklyn, si palpable dans ses ouvrages, cela même si l’on y avait jamais mis les pieds. Car lire Paul Auster encore aujourd’hui pour les futurs lecteurs, c’est d’abord une rencontre avec un texte nerveux et dense, qui s’inscrit dans la lignée des héritiers de l’école d’écriture américaine. Aux antipodes de notre manière d’appréhender la plume, en France. Après un bouquin d’Auster le besogneux, il faut savoir que tout ce que l’on lit paraît allégé, hâtif, et contournant la difficulté, lorsqu’il s’en empare systématiquement et l’embrasse avec passion.
Auteur prolifique, il avait très tôt commencé l’écriture de poèmes et de scénarios pour films muets qui deviendront ultérieurement Le Livre des illusions, ainsi que le précise Actes Sud, éditeur de son œuvre intégrale en version francophone. C’est son premier roman, Cité de verre (premier volume de sa Trilogie new-yorkaise), paraît en 1987 qui connaît un immense succès (traduit en 40 langues) et le propulse dans la lumière, qu’il ne quittera jamais. Il est désormais publié en un seul volume.
Il écrira de nombreux scénarios. Au cinéma, on se souvient surtout de Brooklyn Boogie et surtout Smoke en 1995, co-réalisé par Wayne Wang. Un film à la matière humaine épaisse, qui relate l’histoire du propriétaire d’un tabac situé en plein Brooklyn. Le rôle incarné par l’acteur Harvey Keitel porte le texte d’Auster sans le trahir, et parvient à épingler des instants simples, où la vie se fraie un chemin. William Hurt endosse le personnage d’Auster, décrit comme préoccupé et gros fumeur.
Paul Auster a reçu de nombreuses distinctions littéraires dont le Médicis étranger pour Léviathan, le Premio Napoli pour Sunset Park, et le très prestigieux prix Prince des Asturies pour l’ensemble de son œuvre. Il a été finaliste de l’International IMPAC Dublin Literary Award pour Le Livre des illusions, du Pen/Faulkner Award for Fiction pour La Musique du hasard, ou encore du Man Booker Prize pour 4 3 2 1. Il a été élu membre de l’American Academy of Arts and Letters et nommé Commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres.
Fondatrice de LCV Magazine en 2009, la journaliste Karine Dessale a toujours souhaité qu’il soit un “média papier en ligne”, et la nuance veut tout dire. A savoir, un concept revendiqué de pages à manipuler comme nous le ferions avec un journal traditionnel, puis que nous laisserions traîner sur la table du salon, avant de nous y replonger un peu plus tard… Le meilleur compliment s’agissant de LCV ? Le laisser ouvert sur le bureau de son Mac ou de son PC, avec la B-O en fond sonore, qui s’écoule tranquillement…