L’ancien ministre de l’Économie avait bâti les fondements de l’Europe moderne. Il laisse derrière lui un grand héritage politique à la fois de gauche et européen.
Il était l’une des figures les plus emblématiques de la gauche française. Mercredi 27 décembre, Jacques Delors est mort à l’âge de 98 ans, “à son domicile parisien et dans son sommeil”, a annoncé à l’AFP sa fille Martine Aubry (maire socialiste de Lille). Ministre de l’Économie de 1981 à 1984 sous François Mitterrand et président de la Commission européenne de 1985 à 1995, il était l’un des pères fondateurs de l’Europe. Mais il aura surtout marqué les esprits en annonçant sur le plateau de 7 sur 7 face à Anne Sinclair, le 11 décembre 1994, qu’il renonçait à la présidentielle de 1995 devant 13 millions de téléspectateurs. Il était pourtant donné comme favori dans les sondages, anéantissant tout espoir de la gauche d’être à nouveau au pouvoir.
Beaucoup de personnalités politiques lui ont rendu hommage. Le président de la République Emmanuel Macron a salué « un homme d’État au destin français » sur le réseau social X (ex-Twitter), évoquant aussi « son engagement, son idéal et sa droiture ». De son côté, l’ancien président François Hollande le considérait comme son mentor. « Jacques Delors était un ingénieur de la politique, un ingénieur du social. L’Europe, pour lui, pouvait être un levier pour développer le social, la démocratie. Il aimait la mécanique de la négociation, du travail collectif, c’était un intellectuel engagé« , s’est-il remémoré dans une interview pour Libération. L’actuelle présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a également salué la mémoire d’« un visionnaire qui a rendu notre Europe plus forte » . « L’œuvre de sa vie est une Union européenne unie, dynamique et prospère. Elle a façonné des générations entières d’Européens, dont la mienne. Honorons son héritage en renouvelant sans cesse notre Europe », a-t-elle ajouté.
De la Banque de France à la politique
Né en 1925 à Paris dans une famille catholique et modeste; Jacques Delors a été patron de paroisse avant de rejoindre la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC). Sa carrière professionnelle débute en 1945 à la Banque de France. Puis il adhère à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). En 1962, il entre au Commissariat général au Plan en charge des affaires sociales et culturelles.
Mais c’est en 1969 qu’il fait son entrée à Matignon. Il devient alors chargé de mission aux côtés du premier ministre gaulliste, Jacques Chaban Delmas. Il participe notamment au projet de « Nouvelle Société » suite aux évènements de Mai 68. Fervent admirateur de Pierre Mendès France, il rejoint le parti socialiste en 1974. Sept ans plus tard, le 10 mai 1981, la gauche accède au pouvoir avec l’élection de François Mitterrand. Il est alors nommé ministre de l’Économie jusqu’en 1984 avant d’être remplacé par Laurent Fabius.
Jacques Delors, un homme au destin européen
Pendant dix ans, de 1985 à 1995, Jacques Delors a été à la tête de la Commission européenne à Bruxelles où il a mis en œuvre les fondements de l’Europe contemporaine. On lui doit notamment : l’introduction de la monnaie unique qui donnera naissance à l’Euro, les Accords sur l’espace Schengen, la mise en place du marché unique, la signature de l’Acte unique, celle du traité de Maastricht en 1992 ou encore la création du programme d’échange d’étudiants Erasmus en 1987.
En 2015, il a été honoré du titre de citoyen d’honneur. Une distinction remise également à l’ancien chancelier allemand Helmut Kohl et l’homme politique Jean Monnet, considéré comme l’un des pères fondateurs de l’Europe. Jusqu’à son dernier souffle, Jacques Delors a plaidé a plus de solidarité entre les chefs d’État et de gouvernement face à la pandémie de Covid; ou encore lors du Brexit, lorsqu’il a demandé un renforcement du fédéralisme européen. Au lendemain de sa mort, Emmanuel Macron a annoncé qu’un hommage national lui sera rendu le 5 janvier prochain aux Invalides.
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